Tiger Lillies : Trio d’enfer
Satan est vivant! Il est britannique, vit à Londres et chante tous les soirs dans des cabarets louches les joies de la zoophilie!
Satan est vivant! Il est britannique, vit à Londres et chante tous les soirs dans des cabarets louches le bonheur de la zoophilie!
Bien avant que la fumée dense et rouge n’inonde la scène du Cabaret, lundi soir dernier, le public était déjà en enfer. L’enfer ludique et décadent de Tiger Lillies, un trio anglais qui se produit pour la première fois à Montréal, jusqu’à dimanche, dans le cadre du Festival Juste pour rire. Avec son mélange de flegme anglais et de dérision grotesque, ce groupe-culte en Angleterre ne ressemble à rien d’autre. "Prière de laisser vos oreilles chastes et vos coeurs scrupuleux au vestiaire", lance en guise d’avertissement Pierre Bernard, directeur artistique à Juste pour rire. En effet, rien ne semble à l’épreuve de ces blokes.
Sur des airs de musique foraine (l’accordéon est en vedette), le trio exécutera une quinzaine de chansons vantant les mérites de la bestialité, de la criminalité, du sexe anal et autres élégies pornographiques. Un exemple? Sex with Flies, un des bons moments du spectacle, nous raconte les déboires d’un homme qui voudrait baiser avec une mouche, et pas n’importe laquelle… une mouche à merde! Une autre ballade parle de la romance entre un homme et un mouton! Le public, d’abord incrédule (même un francophone bilingue en perd des bouts, because l’accent), sera enthousiaste en seconde partie.
Tiger Lillies a été fondé en 1989 par le chanteur et musicien Martyn Jacques. Avec sa voix de castrat et son visage peint en blanc qui accentue ses expressions dramatiques, le curieux leader célèbre sa messe noire sans jamais broncher. Ses deux acolytes, Adrian Huge (batterie) et Adrian Stout (double basse), sont tout aussi capotés que leur leader. Lors d’un solo, le premier défonce sa batterie avec un outil en plastique gonflable. Plus tard, il mordra dans un ourson en peluche en tenant le rythme. Quant à Stout, il exécutera un numéro qui consiste à se taper sur les cuisses!
Drôle de croisement entre Alice Cooper pour la provocation, la Castafiore pour la voix d’opérette, et Marc Labrèche pour le comédien absurde, Martyn Jacques est un spécimen très rare. Un freak qui fait son show, diront ses détracteurs? A priori, un peu. Puis, on réalise que cet artiste est trop original pour se faire classer de la sorte.
Contrairement aux freaks, Martyn Jacques sait ce qu’il fait: il déstabilise constamment son public. Il joue du sensationnalisme pour banaliser l’horreur de la folie ordinaire, celle d’une société qui cache ses vices sous le masque de la moralité. Lui a décidé de nous dire les pires insanités en affichant la tête d’un Joker froid et cynique, se plaisant à voir le public rire… de malaise. "Pourquoi riez-vous? lance-t-il à la fin du spectacle. Vous allez tous mourir!"
Une fois, une fois seulement, Martyn Jacques va enlever son masque sur scène pour interpréter la magnifique Send in the Clowns, tirée du célèbre musical de Stephen Sondheim, A Little Night Music. L’humour fait alors place à l’émotion. Pure, douce, fragile.
Qui aurait dit que Satan pouvait faire pleurer en chantant le tube d’une comédie musicale!
Jusqu’au 21 juillet
Au Cabaret du Musée Juste pour rire