Les Chiens : Montrer les crocs
Quand la planète sera dominée par des êtres sans papilles se nourrissant de dragées à saveur de viande hachée, personne ne pourra se plaindre de ne pas avoir été prévenu.
Quand la planète sera dominée par des êtres sans papilles se nourrissant de dragées à saveur de viande hachée, personne ne pourra se plaindre de ne pas avoir été prévenu. Parce que ça fait un bail déjà que des artistes sonnent l’alarme pour dénoncer le danger de laisser les multinationales tout contrôler… même le contenu de nos assiettes. Conçu par Carole Nadeau et Louis Hudon, l’événement festif Les Chiens jappe dans cette direction. Gare aux morsures, ce "chien show" a de la gueule.
D’entrée de jeu, la niche aménagée pour l’occasion impressionne. Les concepteurs recrutés par la compagnie Le Pont Bridge se sont amusés comme des jeunes chiots à transformer leur atelier de travail en terrain de jeu dans lequel le public est (littéralement) invité à suivre l’action. Ils ont d’ailleurs eu la bonne idée de permettre aux curieux de venir renifler l’installation lors d’un 5 à 7 offert avant chaque représentation. Garni de bocaux, de tranches de pain et d’un arbre-chips, l’étrange parcours – genre de version trash des installations bonbons de Claudie Gagnon – vaut le coup d’oeil.
Le spectacle se veut "une fresque politico-gastrique pointant cyniquement du doigt l’Amérique tout entière aux confins de sa logique capitaliste barbare et ravageuse" (ouf!). Mais heureusement, le message est passé avec humour par des personnages farfelus qui semblent davantage échappés des Simpson que d’une manif antimondialisation. Pour résumer la chose, disons que sept créatures au bord de la crise de nerfs (Jean-Antoine Charest, Alain Francoeur, Mariane Lamarre, Danielle Lecourtois, François Marquis, Lou-David Meunier et Carole Nadeau) déambulent parmi les spectateurs, puis grimpent sur les scènes aménagées ici et là pour se chamailler et jouer des extraits de la pièce Les gens déraisonnables sont en voie de disparition, de Peter Handke.
Cette mosaïque a l’air d’avoir un certain sens ainsi présentée, mais dans les faits, l’ensemble est chaotique à souhait. Ainsi, cette pièce plaira aux amateurs de théâtre de recherche, mais déboussolera ceux qui apprécient se faire raconter une histoire qui se tienne. Juchée sur une balançoire, une dame aux cheveux bleus fantasme sur des aliments qu’elle s’interdit de manger; dans un bungalow, un couple s’ennuie, puis le mari tente de se changer les idées auprès d’une publiciste; un travailleur se soûle; et dans un coin, un bambin confectionne avec application une robe de jambon. Le tout sous le regard vitreux d’un caméraman.
Depuis 10 ans, Carole Nadeau crée des spectacles multidisciplinaires audacieux qui en mettent plein la vue. Sa collaboration avec le scénographe et costumier Louis Hudon n’a rien changé à son approche exploratoire axée sur l’image. Et leur joyeux bordel a l’avantage de tenir le spectateur en alerte… toujours prêt à faire un pas de côté si un comédien lui fonce dessus! Dans ce brouhaha, quelques aboiements produisent leur
effet, par exemple quand la femme aux cheveux bleutés affirme que si la plupart d’entre nous tiennent à mettre leur souper au micro-ondes avant de l’engloutir, c’est pour qu’il ait la température d’une proie venant juste d’être tuée. Miam.
"J’me sens comme un chihuahua dans un pet shop de centre d’achats. J’me sens comme un chihuahua, vite sortez-moi de d’là…" Un peu comme le toutou de Mara Tremblay, Les Chiens de Nadeau et Hudon sont visiblement malheureux dans leur cage dorée. Pourquoi ne pas leur offrir une petite visite?
Au Hors-Bord
Jusqu’au 31 août