Carole Fréchette : Autour du monde
Scène

Carole Fréchette : Autour du monde

Tout va pour le mieux pour Carole Fréchette. Depuis janvier dernier, l’auteure a accompagné, de France au Mexique, huit premières de ses pièces. Elle a été honorée cet été à Avignon avec le prix de la Francophonie, et le cinéma la courtise. La Licorne présente une de ses pièces, inédite au Québec, sur le monde des mineurs.

Écrire une pièce sur le monde des mineurs? Carole Fréchette a été la première éberluée quand une coalition de trois théâtres implantés dans des régions minières lui a fait cette singulière proposition. Que connaissait-elle de cet univers-là, elle la Montréalaise, la dramaturge qui compose plutôt des fables peu ancrées dans une réalité géographique?

Carole Fréchette les a avertis qu’elle n’allait pas leur écrire Germinal 2. Mais la persistance des producteurs français (Théâtre en scène), québécois (Théâtre du Tandem) et ontarien (Théâtre du Nouvel-Ontario), et la liberté qu’ils lui laissaient, ont vaincu les réticences de l’auteure. Et au bout du compte, Violette sur la terre, présentée à La Licorne dès le 10 septembre, relève plus de l’intime que de l’étude sociale. C’est d’abord en elle que l’auteure a creusé.

"On n’a pas l’impression que Violette… est une pièce de commande, dans la mesure où on y trouve des thèmes qui me sont propres. Cette pièce est la rencontre de deux choses: du monde minier que j’ai découvert et des questions qui m’habitaient au moment de l’écriture."

Carole Fréchette a d’abord questionné des mineurs à Rouyn, Sudbury et dans le Nord de la France. "J’ai été très émue par ces gens, par leur dignité, leur courage. J’ai vu plusieurs retraités, et ça me touchait beaucoup, parce que j’étais dans une période de ma vie où je faisais une sorte de bilan. Une question me hantait: qu’est-ce qu’une vie? Est-ce qu’on peut se tromper de vie? Et si oui, peut-on se reprendre?" Des interrogations dont elle entendait l’écho dans les témoignages des mineurs.

Riches en histoires, ces belles rencontres l’ont beaucoup nourrie, même si la dramaturge a laissé les entrevues de côté par la suite. "J’ai eu une première approche documentaire, mais après, j’ai tout réinséré dans un univers qui me ressemble davantage, à la fois réel et irréel. La mine devient aussi une métaphore de ce sentiment d’être vide, dévasté ou perdu que j’avais peut-être en moi à ce moment-là. J’avais l’impression de parler de moi à travers tous ces personnages."

Aventure tripartite a priori minée, avec son metteur en scène français, Vincent Goethals, dirigeant une distribution majoritairement franco-ontarienne (Geneviève Couture, Miriam Cusson, Pierre Drolet, Micheline Marin, Marc Thibaudeau), la production a été "très bien accueillie" dans les régions concernées. "Mais elle traite de questions que tout le monde se pose, à propos de l’amour, du sens de la vie."

Mystérieuse étrangère, Violette s’est installée au bord d’une mine fermée. Quatre personnages viendront projeter sur son silence leurs propres angoisses et incertitudes. Un ex-mineur assoiffé d’amour, un militant enragé, son épouse qui se demande s’il n’est pas trop tard pour le quitter, et une jeune femme indécise, qui s’interroge aussi: est-ce qu’il faut partir, ou rester? Ma vie serait-elle meilleure ailleurs?

Cinq solitudes s’y croisent. "J’ai eu beaucoup de peine en l’écrivant parce que j’avais l’impression que Violette, c’était comme l’héroïne des Quatre morts de Marie, 10 ans plus tard, qui s’était perdue en chemin. Le départ de Marie, seule à la fin, était un passage nécessaire pour se créer une identité. Mais là, peut-être que j’étais dans une étape de ma vie où je sentais les limites de la solitude. On a besoin des autres. Comment faire pour les rejoindre?"

En fait, Violette… est probablement la pièce à la tonalité la plus sombre de Carole Fréchette. "Je l’ai écrite dans un moment assez dur de ma vie, et ça en porte les marques. Ça va beaucoup mieux maintenant (rires)."

On la croit sans peine. Depuis janvier dernier, l’auteure de Jean et Béatrice a accompagné, de France au Mexique, huit premières de ses pièces. Elle a été honorée cet été à Avignon, où la Société des auteurs et compositeurs dramatiques lui a décerné le prix de la Francophonie. Du Liban, elle a reçu une offre d’adapter pour le cinéma sa pièce Le Collier d’Hélène. Le caractère international de son théâtre n’est plus à prouver.

"J’ai pourtant le sentiment de toujours parler de moi. Mais de moi qui regarde le monde. Avec le temps, je me rends compte que plus je parle de choses qui me sont profondément propres, plus c’est universel."

Du 10 au 28 septembre
À La Licorne