Marie-Hélène Thibault : Pièce à conviction
Scène

Marie-Hélène Thibault : Pièce à conviction

La comédienne MARIE-HÉLÈNE THIBAULT est impatiente de se glisser dans les vêtements défraîchis du personnage principal de La Preuve, une pièce qui met en scène une relation père-fille comme on en voit rarement au théâtre.

Marie-Hélène Thibault s’apprête à perdre la tête. Elle est impatiente de se glisser dans les vêtements défraîchis du personnage principal de La Preuve, une étudiante mal embouchée qui craint d’avoir hérité des tares de son père, génie devenu fou.

Récompensé d’un prix Pulitzer, d’un Drama Desk et du Tony de la meilleure pièce, ce drame de l’Américain David Auburn a été joué par deux distributions différentes à Broadway, en tournée aux États-Unis, et à Londres, avec en vedette la blonde Gwyneth Paltrow (!). Au tour de la brune Marie-Hélène Thibault de faire ses preuves.

"Le personnage de Catherine ressemble à un grand personnage d’homme." Pour les actrices de théâtre, rares sont les occasions d’interpréter des premiers rôles de la trempe de celui imaginé par l’auteur prodige de Chicago, à peine âgé de 30 ans. "C’est un personnage fort, cynique, qui a du bagout. Catherine est extrêmement intelligente, même si elle a une manière tordue de vivre les rapports humains."

La Preuve est un drame réaliste et prenant, comme on les aime chez Duceppe. À la mort de son père, un génie des maths qui a progressivement sombré dans la folie, Catherine craint qu’il lui ait légué, outre son don, son instabilité mentale. L’arrivée de sa soeur envahissante, puis celle d’un ancien étudiant du paternel ajouteront à sa confusion. Lorsque Catherine leur révélera qu’elle a réussi à solutionner un problème alors que les mathématiciens n’y sont toujours pas parvenus, ils refuseront de la croire. Et réclameront une preuve.

Cette pièce met en scène une relation père-fille comme on en voit rarement au théâtre. "C’est une relation super égale. Ils n’ont rien à se reprocher et se parlent avec pudeur de leurs sentiments, explique Marie-Hélène Thibault. Sa fille s’est sacrifiée pour s’occuper de lui, mais elle l’a fait parce qu’elle le voulait, peut-être pour fuir ses études, par peur du succès." Sur scène, Benoît Girard (qui signe aussi la traduction) sera ce père ressuscité lors de flash-back, Marie Michaud incarnera la soeur et Daniel Thomas, le soupirant. La mise en scène est de Monique Duceppe, qui avait dirigé son interprète principale dans Fleurs d’acier, l’hiver dernier.

Vérification faite, aucun poster de Russell Crowe n’orne la chambre de Marie-Hélène Thibault. Le mathématicien dingue qu’il incarne dans le film A Beautiful Mind la laisse de glace. "Mon but n’est pas d’offrir un jeu illustratif de la maladie mentale. Je ne veux pas tomber dans une espèce d’étude physique comme Crowe, qui a l’air tellement fou que ce n’est pas crédible!" Sa Catherine sera forte et fragile, perspicace mais parano, déroutante sans paraître trop dérangée.

"Il y a une jeune fille en colère dans cette pièce-là, et il y a ici une jeune fille très heureuse de l’interpréter! Sa colère, je la sens aussi en moi, parce qu’on vit dans un monde complètement absurde. Par exemple, dans un bulletin de nouvelles, on peut s’inquiéter à cause d’un nuage de pollution qui plane au-dessus de l’Asie, pour ensuite se réjouir parce que les ventes d’automobiles ont augmenté! C’est déprimant."

Avant d’incarner cette mathématicienne rebelle, la comédienne aura joué dans près d’une vingtaine de pièces, dont celles de son conjoint François Archambault, en plus d’entrer dans nos salons grâce à Catherine. Sa carrière a démarré lentement, mais elle progresse sûrement. "J’ai un cheminement qui serait normal dans un "vrai" travail. J’ai fait des petites choses, j’ai appris, j’ai participé à des créations, la télé est arrivée ensuite, et j’ai de plus en plus d’offres."

Le soir de la première, une réplique de La Preuve sera affichée dans la loge de Marie-Hélène. "L’important, ce n’est pas les grandes idées. C’est le travail. La recherche. Il faut simplifier. Bûcher sur un problème." Depuis plusieurs semaines, la comédienne tente de mettre ce passage à exécution. "Je bûche, fort, fort…"

Du 11 septembre au 19 octobre
Théâtre Jean-Duceppe