Macbeth : La soif
"C’est quoi être ambitieux, pour moi, aujourd’hui?" Cette interrogation, FRÉDÉRIC DUBOIS en fait le fil conducteur de sa mise en scène de Macbeth, la tragédie de Shakespeare qui marque son entrée à la Bordée.
Dès le début, le personnage de Macbeth apparaît à Frédéric Dubois comme étant jeune: 25 ans, moment où se dessinent les ambitions. "Ce type-là a mon âge. J’ai fait un parallèle entre lui – toutes proportions gardées – et ma vie à moi. Pour la distribution, je suis allé chercher des comédiens jeunes (Antoine Bertrand, Patrice Dubois, France Larochelle, Marie-Christine Lavallée, Éric Leblanc, Nadine Meloche, Christian Michaud, Jean-Sébastien Ouellette); le thème de l’ambition, je crois, a une résonance particulière quand on est dans la vingtaine."
Guerrier revenant au pays, Macbeth rencontre trois sorcières qui lui prédisent qu’il deviendra roi. Il complote avec son épouse le meurtre du souverain, monte sur le trône et s’engage dans une spirale dévastatrice. Vertige de l’ambition, soif de pouvoir: tels sont les moteurs de la tragédie créée en 1606.
"Je pense que, profondément, Macbeth est un "super bon gars", avance Christian Michaud, finissant du CADQ en 2001, au sujet de son personnage. C’est un héros qui se bat pour son pays; il a une femme, des amis, il est apprécié. C’est à partir du moment où il se fait dire "tu vas être roi" qu’il perd le contrôle."
" Lady Macbeth n’est pas aussi bonne, poursuit Marie-Christine Lavallée, finissante en 2001 à Ste-Hyacinthe. Très lucide, c’est une "guerrière" assoiffée de pouvoir, une femme prête à tous les sacrifices pour l’obtenir, sauf un: perdre Macbeth. C’est là qu’est l’humanité du personnage."
Centre d’une véritable réflexion pour le metteur en scène et les comédiens, le thème de l’ambition permet aussi d’ancrer le travail dans du concret. "Nous devons jouer des actes plus grands que ce que nous vivons, explique la comédienne. Pour approcher ça, il faut trouver quelque chose qui nous touche: l’ambition, c’est un bon point de départ. Si tu te dis: "Je suis une reine, j’ai commis un meurtre…": ça semble très loin! Tu ne peux pas l’aborder comme ça. Il faut que tu rapproches les choses de toi, puis que tu les laisses grandir."
Une fois ce fil établi, "le plus grand souci que j’ai, confie Frédéric Dubois, c’est d’éclairer le plus honnêtement possible les thématiques de Shakespeare. Tout est là: l’horreur, la terreur, l’ambition, la peur; il faut seulement s’assurer de bien les montrer. Que le public s’assoie, et soit témoin de ce portrait-là pour qu’ensuite il dise: oui, c’est vrai, cette peur-là existe; oui, les tyrans existent. Juste pour comprendre que Shakespeare a encore une résonance terrible dans notre société."
Maître mots
La beauté des personnages et la construction de la pièce impressionnent Frédéric Dubois, qui découvre là un auteur comme il en a rarement rencontré. "Ces personnages-là sont d’une grandeur inimaginable, sont une source intarissable. C’est incroyable: à tous les jours on découvre du nouveau. Son génie est aussi dans la construction de ses pièces. On n’a pas à chercher: tout, mais absolument tout, est dans le texte. Il n’y a aucune question à se poser; quand on prend des fausses pistes, Shakespeare nous ramène. Pour moi, c’est ça le génie de Shakespeare: rien n’est là pour rien, jamais. Et ça, pour nous, c’est un terrain de jeu extraordinaire."
Pour raconter cette histoire, le metteur en scène choisit la traduction de Michel Garneau, dont les sonorités rudes et les images puissantes correspondent bien à l’action, et à la langue de Shakespeare. Assisté de Julie Marie Bourgeois, entouré des concepteurs Yasmina Giguère, Denis Guérette, Vano Hotton et Pascal Robitaille, il utilise aussi un décor à la portée symbolique. "Dès le départ, les images de décor que j’avais, c’était quelque chose qui ne serait jamais confortable: chaotique, en mouvement. Le décor n’est en rien stable et est même, à la limite, dangereux. Donc, c’est sûr que les comédiens sont tout le temps déstabilisés, sur le qui-vive, en urgence. C’est un décor extraordinaire, de toute beauté."
Les comédiens ajoutent: "Le décor donne vraiment beaucoup de tonus et de dynamisme au corps. C’est un travail assez physique, qui s’accorde avec le langage très organique de Garneau. Il y a quelque chose, là-dedans, de barbare… Du beau barbare…"
Intimidant, de monter Shakespeare? "Moi, je suis un grand naïf; je ne me rends pas compte de ce que je fais, je pense…, avoue Frédéric Dubois. Non, il ne faut pas que je travaille dans cette optique-là, parce que monter des mythes, ça ne se fait pas. Il faut se dire que Shakespeare est un humain, qui a écrit une pièce pour parler aux humains; je suis un humain, donc on est sur la même ligne. Il ne faut pas se laisser impressionner, avoir le sentiment qu’on "s’attaque" à un auteur: je trouve cette expression-là terrible. Moi, j’ai plus l’idée qu’on se tient main dans la main, et qu’on fait un bout de chemin ensemble."
Du 17 septembre au 12 octobre
À la Bordée
Voir calendrier Théâtre