Marcel Pomerlo
Scène

Marcel Pomerlo

Pomerlo se jette à l’eau! Avec sa première création, l’acteur et membre du collectif Momentum livre un texte à la fois impressionniste et personnel. Un "show sur la mort, mais où la vie triomphe".

En 18 années de carrière, Marcel Pomerlo n’avait jamais ressenti un pareil trac. Il faut dire qu’avec son premier texte porté à la scène, le comédien se jette radicalement à l’eau! Non seulement en est-il l’auteur et le seul interprète, mais L’Inoublié ou Marcel Pomme-dans-l’eau est un récit-fleuve puisé dans son histoire personnelle.

"C’est comme si on y dépassait l’acte théâtral. C’est de l’autofiction, tout y est vrai, mais transformé en personnages, en situations théâtrales. C’est presque de l’ordre de la confidence. Je suis complètement déstabilisé", avoue le comédien en s’esclaffant.

Le texte créé par Momentum, le 18 septembre, prend sa source dans un terrible accident qui a coûté la vie à deux jeunes passantes, près de chez Marcel Pomerlo, il y a deux ans. Un cri glaçant déchire alors ce soir d’été caniculaire. Très troublé par ce qu’il a entendu et vu, l’artiste erre longuement dans les rues.

Écrivant depuis toujours, il ressent l’urgence de coucher la tragédie sur papier. C’est alors qu’il réalise que son frère Maurice, mort dans un accident de voiture à l’adolescence, aurait célébré ses 40 ans ce jour-là. Il apprendra aussi le décès, cette même nuit, de Luc Durand, un des interprètes de Sol et Gobelet, personnages capitaux de leur enfance, à Momo et lui…

La concordance de tous ces deuils nourrit L’Inoublié, qui est en fait la quatrième mouture d’un texte que Marcel Pomerlo ne voulait d’abord pas rendre public. Car trop personnel. Pour résumer, disons qu’une version en est finalement publiée, l’automne dernier, dans un numéro de la revue Moebius, et récolte des échos très positifs. "Je voyais que tout le monde était touché par quelque chose dans le texte."

Présenté dans la petite salle du MAI – à quelques pas du lieu de l’accident -, L’Inoublié voyage par ellipses entre l’accident de juillet 2000, la mort de Momo et les icônes télévisuelles de l’enfance de Pomerlo. Le texte fait ainsi référence à une Michèle Richard chantant la peine d’amour dans l’environnement glamour du Jardin des étoiles… "Son côté clinquant me fascinait. Pour un enfant, toute cette mythologie des années 70 offrait une image très winner. Et, aussi bête que ça puisse sembler, ça me donnait de l’espoir."

Mis au monde avec l’aide de Dominique Leduc, ce spectacle intime raconte surtout la peur de la mort qui habitait le personnage du petit M. P., enfant craintif et silencieux (ça a changé depuis!), et son apprentissage fébrile de la natation. "Très tôt, j’ai eu une grande angoisse de me noyer. J’étais très pressé d’apprendre à nager, parce que j’avais l’impression que j’allais mourir, me dissoudre. Inconsciemment, je voyais dans l’eau un élément qui allait me libérer. Un enfant peut avoir une lucidité tragique. Pour moi, la mort a été présente fort tôt. Je n’ai jamais vécu cette espèce d’innocence protégée."

L’Inoublié mêle la narration live au passé évoqué sur bandes sonores. "Moi, j’ai une distance par rapport à ça: mes deuils sont faits. On pourrait penser que je joue un personnage. Je veux que l’émotion soit pour le spectateur. Et je désire aussi parler de la vie à travers ça." Intégrant les tableaux "très vivants, colorés" que le texte a inspirés à Claire Jean, c’est donc un "show sur la mort, mais où la vie triomphe".

Marcel Pomerlo, l’enfant fragile qui, selon les pronostics du médecin-accoucheur, ne devait pas survivre, démontre depuis 40 ans une très forte pulsion de vie. Alors que son frère adoré, la force de la nature, n’est plus là… "Jeune, il était tout le contraire de ce que j’étais. Mais étonnamment, j’étais toujours paniqué qu’il meure. Je me sentais tellement menacé que je vivais tout le temps avec cette pensée que les autres pouvaient mourir. Et quand Momo est décédé, là, j’ai vraiment compris que je pouvais mourir le lendemain. Ça a secoué ma torpeur, et ça m’a incité à vivre."

De là aussi provient sa vocation d’acteur. "Pour moi, le désir de devenir comédien était très fort. Rien n’aurait pu m’en empêcher! C’est comme si monter sur scène, c’était continuer à vivre, à travers la création d’un personnage."

Du 18 septembre au 6 octobre
Au MAI (Montréal, arts interculturels)