Danièle Desnoyers : Bataille de l’absurde
À travers ses créations, Danièle Desnoyers souhaite transporter les spectateurs vers des images porteuses de significations. Bataille, présentée à l’Usine C, est l’aboutissement d’une recherche sur le corps contemporain et l’héritage qu’on laisse aux générations futures.
En guise de sous-titre à sa nouvelle création, Danièle Desnoyers reprend la citation de l’auteure Zoé Valdés: "Je veux parler des temps futurs où quelqu’un écrira sur nous, notre époque, nos batailles. Je parie que nous serons les héros de l’absurde."
Pour la chorégraphe québécoise, il s’agit des corps en bataille, l’absurdité qu’on leur fait subir dans notre vie quotidienne: le stress, la malbouffe, les accidents, les tensions…
"Cette pièce, Bataille, est issue d’une recherche sur le corps. Je voulais exprimer l’idée de bataille à l’intérieur du corps, et non pas entre des corps. Pour moi, le corps contemporain est un corps que l’on heurte énormément, qui devient de plus en plus dysfonctionnel, qui développe de nouvelles maladies… Tout ce qu’on lui fait manger, ce qu’on lui fait subir, cela me préoccupe beaucoup plus qu’avant. Mais je ne voulais pas traiter de la notion de guerre entre deux parties. Mon propos est plus la bataille intrinsèque à l’intérieur de soi-même."
Danielle Desnoyers part toujours d’une problématique du corps, un certain questionnement de la mécanique humaine. Elle avoue d’ailleurs que le fait d’avoir donné la vie récemment l’a beaucoup influencée et lui a fourni de nombreuses pistes de recherche. Elle reste encore fortement impliquée sur le plan physique.
"Pour Bataille, je me suis posé la question sur le legs que l’on laissait au corps contemporain. J’ai beaucoup travaillé sur ce que j’appelle le mouvement contraire. Par exemple, lorsqu’on donne une impulsion de mouvement, il y a un effet de balancier dans le corps. Cela provoque une gestuelle. Une fois que ce matériau est constitué, la mise en scène vient en développant simplement une dramaturgie."
Le but de cette recherche est aussi d’apporter des réponses ou, au moins, des orientations positives. Les danseurs de la compagnie Le Carré des Lombes ne font pas exception. "Il y a toujours une recherche d’équilibre dans le corps, explique la chorégraphe, ne serait-ce que le fait de se tenir debout qui est déjà un but. On voit toujours très bien cette recherche de l’équilibre. On la perçoit aussi dans la musique. En travaillant avec une musique baroque harmonieuse et apaisante, je voulais voir comment on peut illustrer cette bataille intérieure qui mène tout d’un coup à une certaine forme d’équilibre."
Pour illustrer son propos, la chorégraphe a choisi d’intégrer des spectateurs sur la scène. Ils deviennent à leur tour partie intégrante de la pièce qui se joue autour d’eux. "Observer l’attitude des spectateurs lorsqu’ils découvrent un spectacle m’intéresse beaucoup. J’ai toujours aimé observer les gens – voir comment ils regardent les choses, et comment cela modifie leur attitude corporelle. Pour moi, la présence des spectateurs sur scène fait partie du regard que l’on pose sur les choses, le spectateur est à son tour vu par les autres. Ce n’est pas dans le but de rompre la distance entre la scène et le public, il s’agit plutôt d’une installation vivante."
Pour Danielle Desnoyers, cette démarche s’inscrit également comme un clin d’oeil à l’histoire. Durant la période baroque, les nobles et les riches bourgeois mécènes étaient assis directement sur la scène, proches des comédiens.
En parallèle, la conception sonore de la pièce a constitué un travail aussi important que l’aspect chorégraphique, une constante dans le travail de Danielle Desnoyers. Plusieurs esthétiques musicales vont s’affronter: la musique improvisée de Malcolm Goldstein, présent dans un coin de la scène, la musique électronique de Nancy Tobin et l’extrait baroque de la Sonate no °7 en la mineur de Giuseppe Tartini. "Le son et la chorégraphie ont été créés en même temps, sur un même plan. J’ai voulu poursuivre ma collaboration avec Nancy Tobin, une vraie créatrice sonore. Je lui ai proposé de travailler avec des matériaux baroques pour créer une musique électronique originale. Le résultat est plein d’humour, absurde et très drôle. Malcolm Goldstein travaille, lui, sur les textures sonores de son instrument. C’était pour moi un lien avec les créations techno de Nancy. Cette installation sonore est un défi musical, car les matériaux sont tellement différents."
Le talent de Danielle Desnoyers est désormais reconnu à travers le monde et cette nouvelle création devrait être à la hauteur des attentes du public. Après une période de transition, la chorégraphe souhaite aujourd’hui créer de nombreuses pièces et aller plus vite dans son travail. Les idées sont là, il ne manque plus qu’à les mettre en mouvement.
Du 25 au 28 septembre
À l’Usine C