La Preuve : Un objet convenu
Créée en 2000, la pièce de David Auburn est ce genre de théâtre américain réaliste qui a déjà fait moult fois ses preuves auprès du public du Théâtre Jean-Duceppe.
Créée en 2000, la pièce de David Auburn est ce genre de théâtre américain réaliste qui a déjà fait moult fois ses preuves auprès du public du Théâtre Jean-Duceppe. Un objet convenu qui se laisse regarder sans déplaisir, mais sans surprise non plus.
À travers la passion des nombres, La Preuve brasse de grands thèmes: la proximité du génie et de la folie, les relations familiales, l’héritage génétique, la difficulté de faire ses preuves pour un rejeton de parents brillants, ainsi que pour une femme dans un monde masculin. Perturbée par la mort de son père (Benoit Girard, plutôt touchant), dont elle s’est occupée avec dévouement, Catherine camoufle sous l’agressivité sa terreur de finir comme ce mathématicien génial mais fou. La découverte d’un théorème révolutionnaire, qu’elle dit avoir rédigé elle-même, plonge son entourage dans le doute. Et précipite la jeune prodige de 25 ans dans une détresse amplifiée, devant cette preuve de non-confiance de la part de ses proches…
Assise sur une forme qui, elle, n’a rien de révolutionnaire, avec de (trop) longs flash-back, La Preuve est pourtant composée selon les règles de l’art. Dosant émotions et quelques percées dans l’univers abstrait des mathématiques, éclaircissant régulièrement son sombre drame familial par des répliques humoristiques, ce texte solide comporte de bons moments pour les acteurs. Encore faut-il savoir les diriger…
La distribution se ressent de l’approximation de la gouverne de Monique Duceppe. Apportant son tempérament à l’abrupte Catherine, Marie-Hélène Thibault livre une interprétation honnête, mais finalement assez peu contrastée. Le jeune mathématicien de Daniel Thomas apparaît un peu trop naïf. Par contre, Marie Michaud se tire avec les honneurs du rôle ingrat de la soeur bourgeoise aussi bien intentionnée que conformiste – un personnage caricatural, il faut bien le dire.
Le décor impersonnel de Marcel Dauphinais – la façade d’une maison reconstituée dans ses moindres détails! – ne laisse rien à l’imagination. Une caractéristique qui manque précisément à la mise en scène standard et passe-partout de Monique Duceppe – dont on attend vainement depuis des années qu’elle nous offre autre chose que ces aplatissements conventionnels et sans relief.
En voyant cette production chez Duceppe, il est dur de croire qu’aux États-Unis, La Preuve a remporté trois prix majeurs. Disons qu’on pourrait difficilement être plus loin du génie, de la folie et de la créativité, éléments dont traite pourtant la pièce…
Jusqu’au 19 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe