Léviathan Coccyx : La grande déroute
Première mondiale, au Périscope, de Léviathan Coccyx, coproduction du Théâtre Blanc de Québec et du Théâtre Le poche de Genève. Le Suisse PHILIPPE MORAND assure la mise en scène de ce spectacle, troisième étape d’une collaboration outre-Atlantique.
Après La Minute anacoustique, en 1996, Philippe Morand et Gill Champagne, en 2000, croisent les spectacles qu’ils ont mis en scène: Emilie ne sera plus jamais cueillie par l’anémone, production suisse de la pièce de Michel Garneau, est présentée à Québec; Celle-là , de Daniel Danis, fait le trajet inverse jusqu’à Genève.
Cet automne, les deux complices poussent l’aventure. Philippe Morand dirige comédiens et concepteurs québécois (Marie-Ginette Guay, Linda Laplante, Myriam LeBlanc, Édith Paquet, Guy Thauvette, Yves Dubois, Catherine Higgins, Gilles Lambert, André Rioux) dans une pièce d’un auteur suisse, Jean-Daniel Magnin; Gill Champagne dirige une équipe suisse dans un Michel Tremblay. Les deux spectacles seront présentés à Québec et à Genève. "Gill et moi partageons, dans notre travail, les mêmes préoccupations, explique Philippe Morand: le désir d’entreprendre des aventures artistiques rigoureuses, solides mais risquées. Cette troisième étape est une énorme aventure: système de production très important, gestes artistiques et échanges culturels très intéressants. Ça oblige à aborder le travail autrement, et à se remettre en question. On apprend beaucoup!"
Différence notable dans les pratiques théâtrales suisse et québécoise: le jeu. "Ce qui m’a toujours fasciné chez les acteurs québécois, c’est leur capacité à aller très loin dans leur investissement dans le personnage. Chez nous, on ne peut pas dire une phrase ou faire un geste artistique sans se demander ce que Descartes en aurait pensé… Ici au Québec, par la jeunesse du pays et de la pratique, on n’a pas ces référents culturels qui parfois nous bloquent en Europe. On se dit: "allez, on fait". Il y a une spontanéité, une générosité assez extraordinaires dans le jeu. Cette qualité va être au service de la pièce; parce que dans Léviathan Coccyx, il faut défendre ces personnages très sérieusement, et ne pas tomber dans la caricature."
Texte caustique, Léviathan Coccyx présente un dictateur déchu, réfugié à la campagne avec sa femme, sa fille et sa bonne. "On a là un microcosme: la famille d’un dictateur purement imaginaire. Dans cette maison, on ne se parle pas, on se déteste; il y a un espèce de venin qui pourrit tous les rapports." Par métaphore, ce cercle évoque le monde du pouvoir et l’usage qu’en a fait le dictateur. "Cette pièce est une fable; mais elle renvoie sans cesse, par des allusions, à la réalité. La pièce est truffée d’allusions à des morts, à des génocides, à des dictatures du XXe siècle. On est devant une accumulation d’événements horribles, épouvantables, ce qui crée finalement le comique: c’est trop pour être vrai. On arrive alors à un humour tragique, même si, bien sûr, il ne s’agit pas de s’amuser des drames du monde."
"Ce que j’aime dans cette affabulation théâtrale, confie le metteur en scène pour qui le théâtre est "une façon de regarder le monde ensemble", c’est ce renvoi toujours de la petite histoire personnelle à la grande histoire, c’est cette position entre l’humour et le drame. Cette pièce est énorme et dérisoire; elle est grave et elle fait hurler de rire. Enfin, je pense. Comme c’est une création mondiale, c’est ça qu’il sera très intéressant d’explorer avec le public: de voir ce qui reste d’humour et d’horreur, de voir comment ça fait réfléchir à un certain nombre d’enjeux capitaux."
Jusqu’au 5 octobre
Au Théâtre Périscope
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