Lorent Wanson : Godot énergique
Scène

Lorent Wanson : Godot énergique

Un vénérable quinquagénaire prend un bain de jouvence. Le public ado du Théâtre Denise-Pelletier pourra voir un En attendant Godot belge, où Vladimir et Estragon n’accusent qu’une vingtaine d’années.

Un vénérable quinquagénaire prend un bain de jouvence. Le public ado du Théâtre Denise-Pelletier pourra voir un En attendant Godot belge, où Vladimir et Estragon n’accusent qu’une vingtaine d’années. La production du Centre dramatique Hainuyer et du Théâtre National de la Communauté Wallonie Bruxelles a valu à Lorent Wanson le Prix de la meilleure mise en scène pour la Belgique francophone, en 2001.

"Un des rôles du metteur en scène, c’est "souvent de désacraliser les textes", dit Lorent Wanson. "À chaque époque répond un autre Godot, répondent d’autres angoisses. Lorsque Beckett a écrit cette pièce, on pouvait se demander: après les camps de concentration et Hiroshima, comment croire encore en l’humanité? Aujourd’hui, d’autres constats viennent nourrir Godot. Et je crois que c’est la vertu de tout grand texte: pouvoir devenir presque plus contemporain que n’importe quelle oeuvre actuelle. Et c’est une pièce qui ne donne aucune réponse. Elle ne fait qu’ouvrir des énigmes. C’est sa grande force."

Ayant rencontré de nombreux jeunes, Wanson a constaté leur angoisse devant leurs perspectives d’avenir bouchées, et un certain désabusement face à une société qui ne leur propose rien de stimulant. Dans ce contexte, la réplique qui ouvre Godot, le "rien à faire" lancé par le célèbre couple de clochards désoeuvrés, prend une autre résonance.

"Quand Beckett a écrit la pièce pour des vieillards, en 1952, l’Europe était en reconstruction après la guerre. Donc, la notion du "rien à faire" était obligatoirement métaphysique. Alors qu’avec des jeunes aujourd’hui, elle devient très concrète! En matinées scolaires, on a constaté que le public jeune se reconnaissait fortement dans ces questions. Qu’est-ce que ça signifie "rien à faire" lorsqu’on a 20 ans, que rien ne débouche, et que finalement personne n’en a rien à faire, de l’état de la planète qu’on va laisser aux jeunes générations?… On constate qu’on est face à une espèce de mur de plomb. On a beau essayer de trouver d’autres voies, on se fracasse dessus."

Son duo d’interprètes juvéniles (Calo Valenti et Cyril Briant, récipiendaire du Prix du meilleur jeune espoir masculin) modifie le tonus de cette pièce sur l’attente. "On dit souvent que Godot est une pièce sur l’ennui. Et nous, d’une certaine façon, on en a fait une pièce contre l’ennui. Quand l’ennui arrive, on ne peut pas s’y laisser aller. Vladimir et Estragon sont comme des piles neuves, mais sans machine pour les canaliser. Ils sont pleins d’une énergie monumentale, laissée à l’abandon. On a voulu monter la pièce comme un hommage à la jeunesse, et aussi un hommage à cette énergie-là."

Comme il le fait depuis plusieurs années, ce metteur en scène aux fortes préoccupations sociales a ouvert les portes au public pendant toute la durée des répétitions. Les échanges avec les jeunes ont ainsi nourri constamment la création. "C’est afin de confronter notre travail à la réalité des gens, d’en rendre compte sans la théoriser au préalable. Je trouve qu’un des gros problèmes de la culture aujourd’hui, c’est qu’elle a souvent une espèce de regard sociologique préétabli sur la réalité. Les questions métaphysiques, politiques et sociales ne sont pas l’apanage des intellectuels ou des artistes. Chacun a ses propres angoisses sur la société, et il est très important d’y être à l’écoute."

Du 27 septembre au 19 octobre
Au Théâtre Denise-Pelletier