Gloria et Noces : Pas de deux pour une soirée
Scène

Gloria et Noces : Pas de deux pour une soirée

Pour marquer sa rentrée, les Grands Ballets Canadiens de Montréal proposent deux spectacles en une soirée: Gloria et Noces. Deux visions très différentes de la danse contemporaine, accompagnées par le Choeur du studio de musique ancienne de Montréal, sous la direction de Jacques Lacombe.

Gradimir Pankov, directeur artistique des Grands Ballets Canadiens de Montréal, a eu l’idée originale de proposer, en une seule soirée, deux visions disparates de la danse contemporaine. La première partie de ce spectacle est consacrée à la reprise de Gloria, un ballet créé pour le Royal Ballet of London. Sur une musique de Francis Poulenc, le chorégraphe britannique, Sir Kenneth MacMillan, a imaginé un champ de bataille où les corps se battent et se déchirent. Avec quatre solistes et un ballet de 24 danseurs, il recompose l’histoire horrible de la Première Guerre mondiale.

Ironique et sardonique, cette oeuvre est marquée du sceau du désespoir face à l’hécatombe humaine de cette guerre. Normal lorsqu’on sait que Kenneth MacMillan était surnommé le "poète de la passion, des désirs sombres, inassouvis, et des frustrations".

La suite de la soirée pourrait être plus joyeuse. Le jeune chorégraphe Stijn Celis propose une chorégraphie originale inspirée de Les Noces, l’oeuvre monumentale d’Igor Stravinski. Mais cette création est surtout l’image projetée de sa propre vision du mariage: "Je pense que le mariage est une chose culturelle, qui répond à une nécessité sociale. On est dans une société contemporaine complètement superficielle dans laquelle beaucoup de gens jugent nécessaire, ou obligatoire, de s’intégrer. Le mariage est seulement un acte d’intégration. Mon avis est très abrupt sur le mariage, mais il est sans doute le résultat d’expériences, de sentiments vécus ou partagés…"

Pour Stijn Celis, ce n’est donc pas forcément un moment de bonheur ou de joie. "Il y a, dans le mariage, une certaine violence qui est la conséquence de l’abstention, de la rigueur. Cette violence physique, émotionnelle et sentimentale est très vraie dans les mariages traditionnels, non consentis, comme on peut le voir dans les mariages bourgeois européens aux siècles précédents, ou encore aujourd’hui dans certains mariages traditionnels africains ou arabes."

Non seulement le rituel festif et social intéresse le chorégraphe, mais ce dernier se préoccupe également de la sexualité du couple. D’ailleurs, la sexualité est, pour lui, la base du conflit dans le mariage. Outre l’évidente évocation de cet érotisme dans les costumes des danseuses, la sexualité est aussi explicite dans le discours. "Il existe une certaine pudeur refoulée, entre les protagonistes d’une union, qui entraîne un malaise. Le refoulement est un sentiment très répandu et il conduit à la dérive. J’ai beaucoup aimé le film La Pianiste, avec Isabelle Huppert. Il m’a beaucoup inspiré sur cet état, ce sentiment de refoulement et de frustration."

Douze couples vont se partager la scène et mettre en images cette version très personnelle d’un des symboles de notre société; ils seront accompagnés de quatre solistes vocaux: la soprano Stéphanie Brill, la mezzo-soprano Annamaria Popescu, le ténor Hugues Saint-Gelais et le basse Desmond Byrne.

Le montage de ce spectacle s’est fait rapidement, mais le choix de l’oeuvre avait été arrêté depuis bien longtemps par Stijn Celis: "Gradimir Pankov m’a contacté assez tard pour me proposer de monter ce spectacle. J’ai décidé de faire Noces, car je voulais m’intéresser au traitement d’un autre type musical et cette pièce de Stravinski m’intrigue depuis longtemps. Il y a une matière rythmique originale, des aspects qui me font penser à la musique moderne et tout cela m’intéresse au plus haut point. En parallèle, le romantisme m’ennuie. Je porte des jugements très radicaux sur cet état. L’amour sert seulement à sublimer une niche dans laquelle on peut se blottir et sert à catalyser ses caprices, ses sentiments…"

Concepteur de décors, danseur, chorégraphe, Stijn Celis est avant tout un créateur au sens large. Est-il pour autant un être torturé qui dresse un portrait pessimiste de notre société? "Je ne suis pas un être plus torturé que les autres. Je me torture par rapport à mes besoins. Torturé dans le sens que beaucoup de choses sont un défi pour moi. Je suis quelqu’un d’émotionnel, mais j’essaie d’analyser avec toutes mes neurones."

Du 26 au 28 septembre et du 2 au 5 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts