L'Inoublié : L'enfance de l'art
Scène

L’Inoublié : L’enfance de l’art

Théâtraliser sa vie, voilà un vaste projet que le comédien Marcel Pomerlo réalise avec L’Inoublié

Théâtraliser sa vie, voilà un vaste projet que le comédien Marcel Pomerlo réalise avec L’Inoublié, sa toute première pièce qu’il défend jusqu’au 6 octobre comme un seul homme, avec la grâce et la beauté d’un "ange blond, fragile et méprisé".

Il y a quelque chose de très prétentieux mais aussi de très courageux dans ce genre d’autofiction. En quoi notre histoire personnelle, fût-elle tragique (la vraie prémisse de L’Inoublié est le décès accidentel de son frère aîné il y a plus de 20 ans), peut-elle intéresser les autres? N’est-il pas préférable de la transposer, de l’embellir, de la réinventer?

Ces questions, l’interprète de 40 ans et membre du Théâtre Momentum a dû se les poser avant de prendre la décision de produire sa pièce. Car son "récit-fleuve", prenant bien qu’inégal, est marqué également par la pudeur de l’auteur. Sous les mots et les gestes, derrière l’humour et la tendresse, on découvre une grande peur. La peur de se dévoiler aux yeux des autres. Et c’est ce qui rend le spectacle si touchant et profondément humain.

Marcel Pomerlo a monopolisé l’espace du MAI (l’ex-Centre interculturel Strathearn) avec une installation scénique à l’image de sa pièce: intime et personnelle. En entrant dans la salle, les spectateurs longent un mur où sont accrochés des portraits et des souvenirs de la famille Pomerleau, avec aussi les tableaux colorés de l’artiste Claire Jean. Un mobilier et des lampes de la fin des années 60 forment le décor. Les sièges disparates de la petite salle et la trame musicale (Michèle Richard, Renée Martel, Emmanuelle) sont aussi d’époque.

L’auteur et interprète se confiera durant près de 90 minutes, en alternance avec la voix off du narrateur, sur toutes les grandes étapes de sa vie: ses parents; son enfance heureuse mais solitaire à l’épicerie familiale près de Québec; la découverte de son homosexualité; les séances de natation au YMCA; "la douleur souriante de Michèle Richard" à la télévision, qui donne un peu d’espoir; et l’accident de la route qui lui enlèvera son frère à l’adolescence.

Marcel Pomerlo a su illustrer son histoire avec des éléments scéniques à la fois amusants et signifiants (par exemple, des contenants remplis d’eau viendront illustrer la métaphore marine de L’Inoublié qui parle de la mort pour mieux célébrer la vie). Sa mise en scène simple et recherchée démontre un bon sens du détail. Sa gestuelle précise, gracieuse jusque dans la manipulation des accessoires, contribue au côté rituel de ce modeste spectacle.

Malgré quelques réserves sur le plan du jeu (l’intense comédien projette un peu trop parfois pour une salle de 85 places!), L’Inoublié est finalement l’oeuvre d’un homme doté d’un grand sens du drame, du sacré. C’est un précieux moment de théâtre dont l’amateur ne devrait pas se priver.

Jusqu’au 6 octobre
Au MAI, 3680, rue Jeanne-Mance