Frédéric Blanchette : Histoires d’un soir
Après les mises en scène d’une trilogie américaine à La Petite Licorne, Frédéric Blanchette s’apprête à créer à la Balustrade du Monument-National une série de textes absurdes de son cru, Pour faire une histoire courte…
Frédéric Blanchette, Catherine-Anne Toupin et François Létourneau ont beau avoir nommé leur compagnie le Théâtre ni plus ni moins, cela ne les empêche pas d’en avoir fait beaucoup plus que moins depuis la fin de leurs études en 1998.
Pendant que tout le monde regardait ailleurs, ils se sont emparés de pièces peu jouées d’auteurs américains (Mamet, Ives, Shanley), pour offrir une brillante démonstration de la force de ce théâtre où les comédiens jouent au ping-pong avec des répliques qui cognent solide. Après la présentation de cette trilogie américaine à La Petite Licorne, le metteur en scène et traducteur attitré de la compagnie s’apprête à créer à la Balustrade du Monument-National une série de textes absurdes de son cru, Pour faire une histoire courte…
C’est en participant à des cabarets théâtraux que Frédéric Blanchette se découvre une passion pour les courtes pièces. "C’est rafraîchissant pour le public, avance-t-il. Cela permet d’aller directement à l’essentiel, et c’est très formateur. Il me vient souvent en tête des situations absurdes, impossibles, des rencontres que j’aimerais voir dans la vie. C’est le désir de partager ces petites bulles étranges qui m’a donné l’idée du spectacle."
Le jeune homme de 28 ans s’attèle à la tâche, désireux de donner à l’ensemble une certaine unité. "Cela va de l’humour concret, et assez réaliste, au complètement absurde, et presque grotesque."
Par exemple, un couple se déchirera à cause d’un bulbe asiatique, l’entourage d’un homme parfait tentera de lui dénicher au moins un défaut, et un producteur de comédies musicales se montrera trop ambitieux. Si un thème lie le tout, c’est celui de l’identité, remarque Frédéric. "Dans les huit courtes pièces, il y a toujours une espèce de quiproquos sur l’identité de la personne qui est en face de soi."
Ce qui est évident, c’est que sur la banquette qui me fait face, il y a un passionné de théâtre auquel le rôle de metteur en scène plaît beaucoup. S’il a débuté par le jeu et le traduction, c’est selon lui surtout à cause de sa timidité (qu’il soigne). "Plus jeune, j’étais du genre à être dans un groupe de musique, mais à jouer de la bass en arrière", illustre-t-il avec un rire.
Le Théâtre ni plus ni moins privilégie le jeu "direct", un terme que l’on préfère à "réaliste". "C’est un jeu dépouillé, où l’acteur se concentre sur l’action, et non sur sa performance. Ce qui est intéressant sur scène, c’est l’histoire. Aussi l’acteur doit-il se concentrer sur ses partenaires de jeu, plutôt que sur ses émotions. Je suis très influencé par les théories de David Mamet: selon lui, le personnage n’existe pas! L’acteur se trompe en voulant jouer un être fictif. Le personnage va apparaître dans la tête du public, à la suite de certaines actions des comédiens."
Étrangement, les dramaturges américains contemporains sont peu joués à Montréal depuis quelques saisons, se désole-t-il. "J’adore le côté direct du théâtre américain. Mon écriture est probablement influencée par les textes que j’ai traduits, comme L’Ancien Quartier de Mamet, qui contient des dialogues extraordinaires. C’est impressionnant à quel point l’écriture de Mamet est intimement liée à sa conception du jeu. Le texte est difficile, les répliques fusent rapidement, l’acteur n’a pas le choix d’être sur le qui-vive, à l’écoute de l’autre."
Les interprètes choisis pour donner vie aux histoires de Blanchette sont Guillaume Champoux, Rose-Maïté Erkoreka, Sébastien Rajotte, David Savard, et ses complices Catherine-Anne Toupin et François Létourneau.
Le metteur en scène est aussi concepteur des décors (avec son père!) et des costumes (avec sa mère!). Après l’entrevue, il doit peinturer des chaises, puis diriger des répétitions en après-midi, pour ensuite plonger en soirée dans la folie de Kean, au TNM. En janvier prochain, Frédéric Blanchette mettra en scène à La Licorne Cheech, une création de son ami François Létourneau.
Avant de partir, il confie sa hâte d’entendre enfin les spectateurs rire de ses histoires loufoques. "Comme disait Raymond Devos, le rapport avec un public est un rapport humain, il faut commencer par la première marche, puis grimper…"
Du 3 au 26 octobre
À la Balustrade du Monument-National