Brigitte Poupart : Tour du monde

Depuis 12 ans, Brigitte Poupart joue avec conviction son rôle d’artiste engagée. On l’a vue dans plus d’une trentaine de productions théâtrales, cinématographiques et télévisuelles, souvent dérangeantes, où elle a entre autres été dévêtue, torturée, hypnotisée ou enfermée dans une boîte de carton! Rien n’arrête la cofondatrice de Trans-Théâtre, qui aime bien glisser ses doigts dans l’engrenage. Cette fois, elle s’attaque à la conception et à la mise en scène de Babel, un spectacle inspiré de l’américanisation de la planète. Parce que quand même les Pygmées boivent du Coke, il y a un problème…

Babel sera sa troisième mise en scène, après Le Défilé des canards dorés et WC, en collaboration avec Marie Michaud. Les cinq autres productions de Trans-Théâtre sont l’oeuvre de Michel Monty (qui signe les dialogues de Babel). Ensemble, ils ont fidélisé un public jeune, friand de théâtre qui bouge.

Sujet sérieux s’il en est, la mondialisation sera abordée avec ludisme. "J’ai pris le parti de l’absurdité, de l’ironie. Je me suis inspirée de l’énergie des spectacles qui m’ont donné envie de faire du théâtre, comme ceux de Carbone 14 et de Robert Lepage." Le résultat se veut interactif et sensoriel. Les spectateurs seront placés autour de l’aire de jeu, assis ou debout. Un peu comme on observe un chantier de construction, ils regarderont à travers une clôture l’achèvement des travaux. "Cette tour est l’oeuvre d’un architecte mégalo, interviewé par une espèce de journaliste-animateur loufoque. Autour d’eux s’active le choeur des employés."

Ces êtres gris symbolisent les dangers de l’homogénéisation. "Le métissage, pour moi, c’est la survie." Pour le prouver, elle a réuni une équipe hétéroclite de danseurs et de comédiens: Carole Courtois, Paul-Patrick Charbonneau, Guillaume Chouinard, Alexandre Goyette, Geneviève Laroche, Patricia Perez, Catherine Tardif et Michel Monty. Se joignent à eux les concepteurs habituels de la compagnie, ainsi que l’artiste multimédia Michel Hébert.

Ce drôle de chantier s’installe à l’Espace Go, là où WC avait pris l’affiche. "Quand Ginette Noiseux ouvre la porte à un créateur, ce n’est pas seulement pour un spectacle. Ce genre de vision est nécessaire. Il faut investir ces temples, rénovés à grands frais, même si cela bouscule un peu les abonnés."

Malgré l’attention consacrée actuellement à la condition masculine, Brigitte Poupart ne se gêne pas pour dire que les femmes sont les premières victimes de la mondialisation. Mais ce qui la trouble surtout, c’est de constater que les privilégiés sont emprisonnés dans leur confort. "J’ai deux filles et je m’inquiète pour leur avenir. C’est triste de constater qu’aujourd’hui les enfants peuvent identifier 100 logos, mais ne savent pas reconnaître 10 plantes!"

"L’analphabétisme et le manque de culture générale me font peur, parce qu’il est plus facile de contrôler les gens lorsqu’ils sont tenus dans l’ignorance. Que les subventionneurs arrêtent de demander aux artistes d’être affairistes et rentables et qu’ils nous laissent créer des spectacles imaginatifs et débridés! Comme je l’ai enseigné à mes filles, pour changer le monde, il faut commencer par changer les choses autour de soi…"

Du 15 octobre au 2 novembre
À l’Espace Go