Critique : King Lear contre-attaque
Scène

Critique : King Lear contre-attaque

Shakespeare, revu et joué par d’attachants bouffons: voilà ce que propose King Lear contre-attaque, des Productions Préhistoriques. Six comédiens au nez de clown racontent Le roi Lear, Othello, évoquent Hamlet et La tempête. C’est Shakespeare simplifié en quelques scènes, de façon savoureusement inattendue, par le jeu, grand maître du spectacle, à la fois amusement et art du comédien.

Jusqu’au 15 octobre
Au Théâtre Périscope

Shakespeare, revu et joué par d’attachants bouffons: voilà ce que propose King Lear contre-attaque, des Productions Préhistoriques. Six comédiens au nez de clown racontent Le roi Lear, Othello, évoquent Hamlet et La tempête. C’est Shakespeare simplifié en quelques scènes, de façon savoureusement inattendue, par le jeu, grand maître du spectacle, à la fois amusement et art du comédien.

Chacun des six clowns (Alexia Bürger, Catherine Larochelle, Véronika Makdissi-Warren, Sophie Martin, Francis Martineau, Alexandre Morais) entre en scène avec sa personnalité propre, perceptible dans les mouvements et l’attitude, la voix et le langage, et même dans les plus fines expressions des yeux et du visage. Tout le corps est investi par un personnage spontané, entier, prompt au rire comme aux larmes. Les comédiens incarnent avec vigueur et conviction ces petits êtres émotifs et émerveillés qui semblent parfois tombés de la lune, et qui ressemblent drôlement à des enfants qui, non contents de jouer Shakespeare, joueraient avec lui. Malgré une distribution fort habile, soulignons la maîtrise et le jeu plein de nuances de Catherine Larochelle et de Véronika Makdissi-Warren.

Après une introduction sous forme de "concerto pour bruits", les clowns empruntent devant nous les personnages d’Othello – personnages, d’ailleurs, qu’ils s’échangeront plus tard. Ainsi, le terrible Iago est joué par un clown-chat tout candide, mais qui peut aussi rouler de gros yeux et faire preuve d’une méchanceté tout innocente; Desdémone s’essaie à la magie; Othello et Cassio semblent jouer l’un à Tarzan et l’autre aux cow-boys; Bianca et Emilia, l’une en cuisinière, l’autre en matelot, forment un duo inséparable, désarmant de crédulité. Le texte, librement – très librement – adapté de Shakespeare, compte beaucoup de jeux avec les mots que les personnages prononcent avec difficulté ou comprennent mal. On pardonnera par ailleurs plusieurs calembours dont certains semblent un peu faciles: il s’agit, après tout, d’un laboratoire. On joue à jouer Shakespeare. Le décor (Jean-François Labbé, Julie Morel), charmant, évoque clairement le théâtre dans le théâtre et, par sa simplicité, rappelle les tréteaux, les scènes anciennes.

Bouffée de fraîcheur, petite bulle lumineuse: voilà ce que soufflent Jacques Laroche, metteur en scène, et ses bouffons dans ce laboratoire prometteur pour peu qu’on le raffine et l’étoffe. King Lear contre-attaque apparaît comme un petit spectacle sans prétention, délicieux par sa fantaisie et la force du jeu.