Savannah Bay : Le parc durassique
Scène

Savannah Bay : Le parc durassique

Marguerite Duras affirmait que son théâtre devait être lu et non pas vu.

Marguerite Duras affirmait que son théâtre devait être lu et non pas vu. J’aurais dû prendre au pied de la lettre cet avertissement de l’auteure de L’Amant, au lieu de me rendre au Rideau Vert, vendredi dernier, afin d’assister à leur dernière production, Savannah Bay. Car la petite heure que dure la représentation m’a semblé une éternité!

Selon ses exégètes, Savannah Bay est une des meilleures pièces de Duras. Ce texte expose la nostalgie d’une vieille comédienne de théâtre, Madeleine (le rôle a été créé par la regrettée Madeleine Renaud), qui perd son bien le plus précieux: sa mémoire. Elle a tout oublié, sauf une idylle de jeunesse à Savannah Bay, un petit coin paradisiaque dans le Sud. Alors lui reviennent en mémoire la splendeur du littoral, l’horizon flamboyant, et la chaleur autour de la pierre blanche où son corps s’est embrasé pour une première fois dans les bras d’un homme.

Confrontée à son passé par une jeune femme à l’identité imprécise (est-ce une actrice débutante? la comédienne plus jeune? une vision de son imaginaire?), Madeleine fait resurgir ses souvenirs par bribes, de façon à la fois économe et impressionniste. L’idylle de 16 ans lui permet dès lors de mieux évoquer la mort, la peur et la faille qui pèsent sur les êtres, mais aussi la vie, le désir et l’absolu des gens prêts à mourir d’aimer.

Le problème, dans la mise en scène de Patricia Nolin, c’est que ce texte très littéraire nous est servi si froidement que cet univers semble faux, affecté et terriblement artificiel.

À mon avis, il y a aussi un manque de clarté dans les intentions scéniques. Et cela autant dans la scénographie trop chargée de Raymond Marius Boucher (on voit un théâtre, ses coulisses, la loge de la comédienne meublée comme celles de la Comédie-Française; et aussi la mer, l’horizon qui change de couleurs, et même un gigantesque tigre dont j’ignore toujours la signification) que dans le jeu des deux comédiennes, Janine Sutto et Monique Spaziani. Le registre de la première est décidément beaucoup plus grave que celui de la seconde. Ce qui peut se justifier par leurs personnages respectifs. Mais cela passe difficilement dans certaines scènes. Par exemple, lorsqu’elles éclate d’un long fou rire si gauche et faux qu’il suscite davantage le malaise que l’émotion.

Duras nous parle de "la monotonie du temps". Si c’est le thème de sa pièce, l’auteure a bien visé. Car j’ai été happé par l’ennui durant toute la représentation. Question de sensibilité, ou de génération (les plus jeunes spectateurs semblaient trouver la pièce plus pénible que leurs aînés…)? Ou simplement parce qu’il s’agit d’un spectacle qui, malgré la beauté de la langue, ne décolle pas…

Jusqu’au 26 octobre
Au Théâtre du Rideau Vert