Henri & Margaux : Scènes de ménage
Pièce sur le couple conçue par un couple visiblement très épris, Henri & Margaux promet de brouiller les pistes entre fiction et réalité.
Au dernier étage de l’Espace Libre nouvellement rénové répètent Evelyne de la Chenelière et Daniel Brière, couple dans la vie et, sous peu, couple au théâtre. Derrière la vitre, un tapis shag et deux amoureux. Franchir la porte du local de répétition, c’est s’immiscer dans un lieu très intime, où l’on se sent un peu voyeur. Qu’est-ce que l’espionne a vu et entendu? Un baiser échangé dans un coin, des mains qui se frôlent, des yeux brillants, des compliments sincères.
Pièce sur le couple conçue par un couple visiblement très épris, Henri & Margaux promet de brouiller les pistes entre fiction et réalité. Comment représenter l’intimité au théâtre? Telle est la question…
La coïncidence est amusante. Après l’acteur Yvan Attal qui a scénarisé et réalisé un film (Ma femme est une actrice) dans lequel lui et sa douce, Charlotte Gainsbourg, s’amusent à incarner un couple, voici deux comédiens d’ici lancés dans une aventure semblable. À l’origine d’Henri & Margaux, avouent-ils, il y a le désir de travailler ensemble. Monsieur a déjà mis en scène trois créations de Madame, mais cette fois, ils voulaient tout faire en tandem. Evelyne résume: "Tant qu’à préparer un projet à deux, autant se servir de cette réalité qui nous lie pour en faire le sujet du spectacle." Fascinés par les couples au théâtre et au cinéma, ils ont donc choisi de s’offrir en pâture au public.
Écrite par la moitié féminine du couple, mais "inventée" à deux, l’histoire d’Henri & Margaux est toute simple. Henri va avoir 40 ans et son anniversaire est l’occasion pour lui et sa compagne de faire un bilan de leurs choix, notamment celui d’abandonner le théâtre. Pourquoi ces deux artistes très en demande ont-ils choisi pour héros des êtres qui ont abdiqué? "Cela nous permet de questionner le théâtre en prenant un certain recul", explique Daniel. Non seulement le couple fictif réfléchira-t-il à son expérience sous les projecteurs, mais aussi à celle de former, en coulisses, un couple. Tiens, tiens…
"Évidemment, certaines personnes chercheront à déceler ce qui appartient à la fiction là-dedans, et ce qui vient plutôt de nos convictions, croit Evelyne. Où est la dérision, où est l’aveu et où est le règlement de compte!" Son copain s’empresse de préciser que tout cela est chapeauté par une grande question: qu’est-ce que le théâtre? "Quand tu vois un couple sur scène, est-ce que c’est un vrai couple, ou des acteurs qui ont une grande distance par rapport à ce qu’ils font?
Évidemment, on ne cherche pas à donner des réponses, mais on lance des questions qui nous préoccupent. L’intimité d’un couple, qu’est-ce que c’est? Est-ce que c’est de s’embrasser fougueusement ou d’être complices dans la façon d’accomplir ou de dire les choses?"
Selon eux, les couples heureux sont rares dans la fiction. "Bien sûr, la passion d’une rencontre, ou les relations tordues et agonisantes, font des pièces fascinantes, lance Evelyne. On s’est donné le défi de mettre en scène un couple en santé, formé depuis un certain temps et toujours amoureux."
Pas de guéguerre des sexes à l’horizon, mais un hommage à l’amour entre deux individus comblés qui ont la même vision du bonheur. La pièce porterait l’empreinte de l’harmonie et de la félicité dans lesquelles elle a été conçue. "C’est comme si on avait une longueur d’avance qui maximise tout!" ajoute l’auteure, les yeux dans ceux de son partenaire.
Les amoureux ont tout conçu – décor, costumes et accessoires – en se disant qu’ainsi, le résultat serait identique à ce qu’ils avaient imaginé. Seul Guillaume Cyr, responsable de la régie et des éclairages, est admis dans leur bulle. Bien que "toujours conscient de trois choses en même temps", le couple se dit enchanté par le côté artisanal de l’expérience. "Cela me permet d’être moins centré sur le jeu, confirme Daniel. De me calmer les nerfs avec ma performance et de me détendre. Quand tu fais tous les choix, tu ne peux qu’être fier du résultat."
Du 23 octobre au 3 novembre
À l’Espace Libre