Corps et âme : La chair est triste
Scène

Corps et âme : La chair est triste

Au Canada, John Mighton est un nom qui compte. Saluons donc la petite compagnie L’Ange-Éléphant qui nous offre le premier contact en français avec l’auteur de Possible Worlds (pièce dont Robert Lepage fit son dernier film). Même si le résultat n’est pas à la hauteur des espérances…

Au Canada, John Mighton est un nom qui compte. Saluons donc la petite compagnie L’Ange-Éléphant qui nous offre le premier contact en français avec l’auteur de Possible Worlds (pièce dont Robert Lepage fit son dernier film). Même si le résultat n’est pas à la hauteur des espérances…

Créée à Ottawa en 1993, Corps et âme nous introduit dans un monde légèrement désaxé, où la pauvre Sally (Marie-Hélène Fortin) est prise entre une soeur accusée de nécrophilie (Brigitte St-Aubin) et un mari (Christophe Rapin) de plus en plus distant, perdu dans les plaisirs du sexe virtuel. Un temps attiré par le bouddhisme, Henri croit pouvoir combler sa quête de sens dans cette nouvelle technique qui promet la satisfaction de tous les désirs…

À travers ce parallèle insolite entre deux visions mortifères de la sexualité, le philosophe, mathématicien et dramaturge traite de la difficulté d’établir une intimité ou des contacts humains véritables dans la société moderne envahie par la technologie. Chacun dans leur sphère personnel de désir, ses personnages ne parviennent pas à se rejoindre. Dans une histoire simple mais aux situations extrêmes, John Mighton expose avec un humour triste le vide existentiel d’une société où la recherche de plaisir immédiat remplace la communication.

Un univers pas banal, donc. Mais dont la dimension trouble ne passe pas vraiment dans la traduction approximative et la mise en scène plutôt bancale de Robert Reid, au ton mal défini. Ici, le drame psychologique le plus banal cohabite avec la comédie absurde. Sous son éclairage plein feu, Corps et âme ne réussit guère à suggérer le caractère plutôt surréel de la pièce.

Dommage aussi que la distribution déploie plus de bonne volonté que de justesse. Reid mise sur un jeu grossi, avec de grands sourires forcés, mais sans l’ambiguïté nécessaire. Du groupe, c’est sans doute Marie-Hélène Fortin qui se défend le mieux. Passons charitablement sur l’interprétation de Brigitte St-Aubin… Ça n’aide pas la crédibilité de l’intrigue que deux comédiens (Charles Préfontaine et Sylvie Laplante) incarnent plusieurs rôles, sans changer d’apparence, ou si peu.

Mais c’est là le lot d’une production de fortune, qui utilise bien, malgré tout, l’espace de la petite salle du Théâtre Prospero. Quelques scènes drôles rachètent la soirée, et on découvre avec intérêt l’univers de Mighton.

Mais dans l’ensemble, malgré l’attrait exercé par le texte, cette rencontre avec l’auteur canadien est un rendez-vous manqué.

Jusqu’au 16 novembre
À la salle intime du Théâtre Prospero