Dévoilement devant notaire : Mal de mère
Scène

Dévoilement devant notaire : Mal de mère

Avis aux amateurs de théâtre qui cogne: il faut voir Dévoilement devant notaire, la création rentre-dedans de Dominick Parenteau-Lebeuf, mise en scène par Marc  Béland.

Avis aux amateurs de théâtre qui cogne: il faut voir Dévoilement devant notaire, la création rentre-dedans de Dominick Parenteau-Lebeuf, mise en scène par Marc Béland. Y assister, au risque d’en sortir écrasé, enseveli sous un flot de paroles qui n’a rien d’aimable, de mesuré ou de réconfortant. Une mer de mots qui laisse les spectateurs ébranlés, une fois échoués sur le trottoir de la rue Saint-Denis. Retour sur une pièce qui fait saigner du nez…

Irène-Iris Lamy (Isabelle Roy) aurait souhaité être la fille de personne, mais c’est le contraire qui s’est produit, puisqu’en plus de sa mère Clarisse, elle a été bercée par tout un bataillon d’auteures féministes. À 28 ans, célibataire et traductrice, elle est de retour à la maison pour une nuit de deuil mouvementée, après avoir enterré sa génitrice, victime d’un cancer du sein, et poussé une tante dans la fosse, pour se défouler! Tandis que son petit frère Ulysse (Nicolas Pinson) se passionne pour les lampes, Irène-Iris, elle, voit tout en noir, perd le contrôle, vomit des mots, se déshabille, se retrouve le nez en sang et fantasme sur Clinton Haasgard (Henri Chassé), le notaire qui viendra les rencontrer une fois le soleil levé. Entre-temps, ça joue dur.

Que sont devenues les filles du féminisme? Comme les hommes de leur génération, elles portent les cicatrices de la révolution menée par leurs mères, nous dit Dominick Parenteau-Lebeuf. Élevées selon l’évangile féministe, elles tentent aujourd’hui de s’en affranchir, sans trouver le juste équilibre. Comme Irène-Iris qui, après avoir appris très tôt qu’une femme n’est jamais moins qu’un homme (par un amusant théorème), rêve de devenir une femme-plancher, que tous pourraient piétiner à leur guise. Difficile, en fait, de résumer les doléances d’Irène-Iris, qui les mitraille à cent milles à l’heure. Plus qu’un procès du féminisme, ses réflexions à la fois poétiques et tranchantes sont surtout l’occasion de se libérer enfin de l’influence maternelle.

Sous la direction de Marc Béland, qui a réussi à rendre vivante cette avalanche de mots, Isabelle Roy incarne avec sensibilité l’excessive endeuillée. Sur scène, du début à la fin, la comédienne (un des Nouveaux visages de Voir au printemps 2001) fait preuve d’une grande polyvalence. Si elle butait encore sur quelques répliques le soir de la première, parions qu’elle domptera sous peu ce texte exigeant. À ses côtés, Henri Chassé campe avec aplomb le troublant notaire. Ce n’est pas la première fois que ces deux-là se prêtent au jeu de la séduction; ils partageaient une chambre de motel dans Blasted, l’an dernier au Quat’Sous. Nicolas Pinson complète la distribution, jouant dans un registre légèrement décalé, comme s’il n’évoluait pas dans le même cauchemar.

Le scénographe Gabriel Tsampalieros a imaginé un intérieur dépouillé, où l’on retrouve un grand miroir, une porte et des lampes aux fils encombrants – comme l’a découvert sous nos yeux Isabelle Roy en se prenant les pieds dedans! Les costumes sont de Julie Charland, l’éclairage d’Étienne Boucher et la musique originale de Serge Arcuri et Luc Aubry.

Présentée dans la petite salle du Théâtre d’Aujourd’hui, la pièce Dévoilement devant notaire propose donc une déroutante expédition en terrain miné. Inconfort garanti…

Jusqu’au 9 novembre
Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui