Henri & Margaux : Noces d'or
Scène

Henri & Margaux : Noces d’or

Si les bons sentiments ne font pas de la bonne littérature, comme le prétendent certains, preuve est faite qu’ils peuvent néanmoins accoucher d’une pièce réussie.

Si les bons sentiments ne font pas de la bonne littérature, comme le prétendent certains, preuve est faite qu’ils peuvent néanmoins accoucher d’une pièce réussie. C’est uniquement pour le meilleur que Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière ont uni leur talent et leur amour dans Henri & Margaux, une charmante pièce sur le couple, réel ou fictif, qui évite l’exhibitionnisme superficiel auquel aurait pu donner lieu ce genre d’exercice impudique.

Dans un environnement intime, tendu de draps blancs, le comédien et l’auteure deviennent Henri et Margaux, un ex-acteur recyclé en ébéniste qui prétend n’avoir "aucun regret", et une prof de français qui a écrit des pièces. Aux discussions de couple, d’une grande justesse, qu’entraîne le quarantième anniversaire de monsieur, s’ajoute une interrogation liée à leur ancien milieu.

Avec finesse, drôlerie et intelligence, la création du NTE joue sur la frontière poreuse entre la fiction et l’autobiographie, l’impudeur et le jeu, l’intimité et la distance, l’amour et le théâtre. C’est dans cette ambiguïté ludique que se love avec délectation Henri & Margaux. Témoin ce flash-back qui marque les débuts du couple, alors qu’une conversation entre les deux acteurs à propos d’une scène où leurs personnages doivent s’embrasser vire à la confusion: où finit le comédien, où commence le personnage?…

Vaguement pirandellien, le spectacle mystifie davantage le public en multipliant les niveaux de compréhension et les clins d’oeil: allusion est faite au "Groupement" forestier du théâtre dont fait partie Brière; et le succès des "Cerises" que rejette Margaux évoque bien sûr Des fraises en janvier, où de la Chenelière dépeçait déjà avec une plume agile les rapports amoureux…

Dans l’autodérision des artistes de théâtre ou la tendresse du vrai couple, les tourtereaux se masquent derrière l’écran de leurs personnages à la familiarité troublante, ou se mettent à nu (ou du moins en sous-vêtements!). Au moment où on commence à se sentir voyeur devant leurs instants d’intimité, habilement, le duo introduit généralement une distance, une conscience de la représentation publique.

Leur complicité, évidemment, est patente. Evelyne de la Chenelière, touchante dans son éloge inquiet du couple; Daniel Brière, désopilant en ancien comédien qui règle ses comptes (pour de faux, sûrement) avec le théâtre et les acteurs.

Ensemble, ils ont conçu un délicieux petit spectacle qui milite avec amour et humour pour la vie à deux. Longue vie à leur couple!

Jusqu’au 3 novembre
À l’Espace Libre