La Fête des morts : La mort en direct

"Tous les matins en se levant, on devrait dire: "Chic! je ne suis pas mort!"", a déjà dit Jules Renard, un auteur qui a abondamment écrit sur le sujet. Les comédiennes Céline Bonnier et Nathalie Claude nous font aussi réaliser le bonheur et la précarité de la vie en proposant La Fête des morts, une création unique et originale qui se déroule dans un cimetière montréalais (pour des raisons de sécurité, les concepteurs préfèrent garder le site secret.

Pour leur nouvelle production dans des lieux inusités, Momentum invite les spectateurs à se rendre au coeur du parc Laurier, à 20 h, pour monter dans un autobus nolisé par la troupe. De là, une guide mexicaine, Yolanda (Céline Bonnier), accueille les passagers pour les réchauffer (on nous prévient de se vêtir chaudement) et leur donner quelques directives avant le spectacle.

Une fois sur place, dans un respectueux silence, les quelque 80 spectateurs suivront religieusement Yolanda dans cet étrange parcours théâtral à travers les allées et les pierres tombales. Le soir où j’y étais, un ciel d’automne, couvert et sans lune, donnait une inquiétante atmosphère au cimetière, digne des romans d’Ann Rice ou des films de Dracula.

A priori, ce lieu – à la fois beau, dramatique et signifiant – est un fabuleux décor de théâtre. Lorsque, au début, deux interprètes livrent à tour de rôle – en anglais, puis en français – un extrait d’un texte du poète anglais du XVIIe siècle, John Donne, les mots semblent imprégnés dans chacune des pierres du cimetière. Un moment de grâce.

Éclairés par des lampes de bouches, maquillés comme des morts-vivants, costumés avec outrance, une douzaine de comédiens exécuteront pendant 90 minutes autant de courtes scènes autour de divers thèmes reliés à la grande faucheuse: le temps, les souvenirs, l’oubli, le deuil, la maladie… et même l’orgasme, cette petite mort qui nous aide à mieux accepter la grande. La création met en vedette tant des membres de Momentum (Céline Bonnier, Nathalie Claude, Stéphane Demers, Marcel Pomerlo) que des invités (Denis Lavalou, Leni Parker, Danièle Lecourtois, Guillermina Kerwin…).

D’inégal intérêt, (les deux conceptrices, qui signent aussi la mise en scène, ont probablement voulu donner leur bonbon à chacun qui voulait "sa scène " sans oser couper dans des monologues ou des numéros trop longs, voire moins pertinents), La Fête des morts demeure néanmoins un bon moment de théâtre. Si le spectacle ne va pas alimenter une profonde réflexion philosophique sur le sujet (ce n’est pas l’intention de départ), il demeure une inoubliable expérience théâtrale, dans le vrai sens du terme. Et un spectacle hors norme de Momentum, une troupe dont la démarche artistique a quelque chose de vivifiant et de très rassembleur.

Jusqu’au 3 novembre
Départ du parc Laurier à 20 h 15
Édifice central, entrée côté nord

Le spectacle affiche complet mais on peut se rendre à la billetterie dès 19 h et se mettre sur une liste d’attente.