Impromptu on Nuns’ Island : Tour de l’île
Impromptu on Nuns’ Island, la version anglaise de L’État des lieux, créée au Théâtre du Nouveau Monde en avril dernier, donne une meilleure idée de la valeur de ce texte dans l’oeuvre dramatique de Michel Tremblay.
D’abord, le titre convient beaucoup mieux. Impromptu on Nuns’ Island, la version anglaise de L’État des lieux, créée au Théâtre du Nouveau Monde en avril dernier, donne une meilleure idée de la valeur de ce texte dans l’oeuvre dramatique de Michel Tremblay. Dans sa forme, Impromptu – à l’affiche du Centaur, dans une excellente traduction de Linda Gaboriau et une mise en scène de Diana Leblanc – tient plus d’un impromptu que L’Impromptu d’Outremont, décapante critique de la bourgeoisie québécoise que Tremblay a écrite en 1980.
Le Petit Robert définit le genre c0mme "une petite pièce composée sur-le-champ et, en principe, sans préparation". En principe, car l’auteur a mis deux mois pour écrire son avant-dernière pièce (sa plus récente, Le Passé antérieur, sera créée cet hiver chez Duceppe). Il a sûrement beaucoup réfléchi aux thèmes qu’elle aborde: entre autres, le mépris, le cynisme, la cruauté du milieu culturel, la vulnérabilité de l’artiste, et la désillusion d’une génération qui a renoncé à ses rêves pour mieux se mentir à elle-même.
Une chanteuse sur son déclin, Patricia Pasquetti (alias Paquette), revient subitement chez les siens, dans le penthouse de sa fille à l’île des Soeurs, après avoir lancé un terrible couac sur la scène de l’Opéra Bastille à Paris. Sa fille puis sa mère remettront en question les certitudes de la célèbre cantatrice au cours de (trop) longs échanges où Tremblay prouve encore sa maîtrise de la réplique au vitriol et son merveilleux sens de la formule. Malheureusement, la pièce laisse trop entendre l’auteur, et pas assez ses personnages. Les répliques se transforment rapidement en discours sur la politique, la critique et la société québécoise. Les multiples pistes qui ont inspiré Tremblay se transposent difficilement dans un drame solide.
Le problème, c’est que Tremblay n’a pas assez travaillé la forme de sa pièce; lui qui, pourtant, est un orfèvre de la structure dramatique. Son texte, trop bavard, aurait mérité d’être resserré, et sa théâtralité, plus fouillée.
Néanmoins, la production du Centaur est plus achevée que celle du TNM, qui souffrait d’une distribution inégale et d’une mise en scène pas tout à fait rodée. Intimiste et réaliste (un peu trop même), la mise en scène de Diana Leblanc éclaire mieux le propos, plus sérieux que comique, de Tremblay (la production du TNM versait davantage dans la comédie).
Les acteurs sont tous excellents. Dans le rôle de la Pasquetti, Dixie Seatle est convaincante. Très crédible et naturelle en jeune comédienne voulant se défaire de l’emprise maternelle, Diana Donnelley (la fille de l’ex-critique de théâtre à la Gazette, Pat Donnelley) est une révélation. L’accompagnateur et la mère de la diva, Robert Persichini et Patricia Hamilton, donnent aussi de solides prestations.
Impromptu on Nuns’ Island a le mérite de vouloir secouer "la conscience culturelle" des baby-boomers québécois. Mais au final, l’oeuvre demeure plus divertissante que troublante.
Jusqu’au 1er décembre
Au Centaur