L'Année du championnat : Les Boys
Scène

L’Année du championnat : Les Boys

L’Année du championnat ne fera rien pour remonter le moral aux pauvres hommes qui ont déjà mal à leur image.

L’Année du championnat

ne fera rien pour remonter le moral aux pauvres hommes qui ont déjà mal à leur image. Campée en 1972, la pièce de Jason Miller donne la parole à cinq représentants peu reluisants d’une espèce que Michael Moore appelle aujourd’hui "stupid white men"…

Vingt ans après leur conquête d’un titre de basketball collégial, quatre camarades sont réunis sous l’arbitrage du coach (tonitruant Michel Dumont), qui leur distribue toujours ordres péremptoires et maximes simplistes. Mais la solidarité mâle se dilue bientôt dans l’alcool, et les compères dévoilent leur vrai visage: arrivisme et préjugés, une xénophobie qui sert surtout à masquer leur médiocrité, leur faillite, leur peur, leur vulnérabilité. In vino veritas: c’est l’ivrogne du quintette qui dénoncera ultimement la fraude que constitue la fameuse victoire, sur laquelle s’est constitué tout le mythe du groupe.

Sous ses allures de grosse comédie sur la psyché masculine, genre Les Boys ou Les Gars, dont elle emprunte les traits (alcool, farces grasses, film "de fesses"!), L’Année du championnat apparaît surtout comme une charge politique. À travers ce microcosme des leaders d’une petite ville qui complotent cette fois une victoire électorale, Jason Miller dénude un pouvoir basé sur la magouille, le favoritisme, la violence et l’intolérance face à l’autre, incarné ici par un opposant à la mairie qui a le double tort d’être juif et d’avoir eu un communiste dans sa famille…

Les univers fictifs masculins sont rarement subtils, et celui-ci n’échappe pas à la règle, avec sa beuverie et ses répliques d’un racisme grossier. Le décor de Jean Bard est explicite: sous-sol fini encombré des symboles du mâle américain – dont tout un mur d’armes…

Dans la peau de leurs personnages bien typés, les comédiens dirigés par Denis Bernard jouent habilement sur la ligne qui sépare la vérité de la caricature: Normand D’Amour en maire épais, Roger Léger en principal ambitieux, Jean-François Pichette très convaincant en "Gino" sûr de lui, et l’étonnant Michel Laperrière en ivrogne titubant et cynique. On a bricolé une efficace allure d’époque à ces "dinosaures" nostalgiques du passé.

Si le contexte est daté, plusieurs phrases résonnent en effet avec une troublante familiarité: "l’Amérique est en danger", et on n’a "pas d’autre choix que de se battre, pis de gagner", y proclame-t-on en se drapant dans le drapeau étoilé…

Obsession de la victoire, arrachée par tous les moyens, méfiance des êtres différents, un chef des troupes qui en appelle à la solidarité mâle blanche et à la haine de l’ennemi, voilà le portrait peu édifiant d’une certaine Amérique où patriotisme, paranoïa et intolérance marchent main dans la main. Reste à savoir si ça nous apprend quoi que ce soit…

Jusqu’au 7 décembre
Au Théâtre Jean-Duceppe