Petit Pierre : Leçon d'histoire
Scène

Petit Pierre : Leçon d’histoire

Quoi dire aux enfants? Telle est la question que les cofondateurs du Carrousel, Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault, se posent depuis près de 30 ans. Avec Petit Pierre, le tandem a choisi d’enseigner aux bambins de neuf ans et plus la grande et la petite histoire du siècle qui a vu grandir leurs parents et leurs grands-parents, en s’inspirant de la vie du Français Pierre Avezard, dit Petit Pierre, créateur d’un fabuleux manège.

Quoi dire aux enfants? Telle est la question que les cofondateurs du Carrousel, Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault, se posent depuis près de 30 ans. Avec Petit Pierre, le tandem a choisi d’enseigner aux bambins de neuf ans et plus la grande et la petite histoire du siècle qui a vu grandir leurs parents et leurs grands-parents, en s’inspirant de la vie du Français Pierre Avezard, dit Petit Pierre, créateur d’un fabuleux manège.

Chaudement accueillie à sa création en France l’an dernier, la pièce suit donc Petit Pierre de sa naissance, en 1909, à sa mort, il y a 10 ans. Né avant terme, "pas fini" comme il le dit lui-même, cet enfant difforme que les autres surnomment "tête de vipère" est retiré de l’école à sept ans, pour devenir gardien de vaches. Les longues journées qu’il passe dans les champs lui permettent d’observer la nature, les animaux et les hommes au travail. Fasciné par tout ce qui bouge, il "patentera" durant 40 ans une machine poétique où s’agitent des vaches, des tanks et des fusées mécaniques, ainsi que des avions larguant des betteraves. Ce manège complexe est aujourd’hui considéré comme une troublante métaphore de l’évolution de l’humanité au vingtième siècle.

À la Maison Théâtre, la scène est plongée dans le noir. Au centre trône un disque en mouvement, qui se transforme progressivement en manège. Sur cette demi-sphère, deux conteuses (Émilie Dionne et Margaret McBrearty), équipées de lampes de poche, livrent des tranches d’histoire, l’une se faisant la voix de la grande et l’autre, celle de Petit Pierre, tandis que ce dernier (Ludger Côté) s’affaire sans dire un mot. Rien n’est épargné au jeune public, à qui l’on parle sans détour du nazisme, du mur de Berlin ou de la fin de l’apartheid. Ouf!

De la réalité à la fiction
"Comment faire parler quelqu’un comme Petit Pierre, qui savait à peine grommeler?" Le metteur en scène Gervais Gaudreault se souvient que Suzanne Lebeau et lui ont imaginé toutes sortes de solutions. Au départ, ils avaient pensé faire de Dieu le narrateur de l’histoire. Pour s’apercevoir que sa présence faisait un peu trop d’ombre à Petit Pierre, et avoir ensuite l’idée d’éclairer la vie de leur personnage à la lumière du siècle.

"Après avoir été sur les traces de Pierre, il n’a pas été facile pour Suzanne de prendre une distance pour entrer dans le processus de la création qui est, d’une certaine manière, celui du mensonge, raconte Gervais Gaudreault. Elle avait un souci de vérité qu’il a fallu mettre de côté. Notre défi a alors été de théâtraliser ce conte, d’en ouvrir le sens par des métaphores, par exemple en comparant ce garçon différent des autres avec les exclus des camps de concentration." Et tant mieux selon lui si les questions affluent au sortir de la salle. "C’est ainsi que l’on essaie de laisser des traces. Pour moi, c’est extraordinaire si, après le spectacle, des enfants demandent à leurs parents: qu’est-ce que c’est, le nazisme?"

Sur le chemin de la sortie, les enfants pourront aussi en apprendre plus grâce à l’exposition Entre les lignes, qui reconstitue le parcours de cette mise en scène avec des lettres, des dessins, des plans et des photos amassés au fil des trois ans de création. On y trouve aussi un très beau livre consacré aux oeuvres de Petit Pierre.

Jusqu’au 10 novembre
À la Maison Théâtre