Jusqu'au 30 novembre Au Trident : Critique: La Reine de beauté de Leeane
Scène

Jusqu’au 30 novembre Au Trident : Critique: La Reine de beauté de Leeane

Dans la cuisine d’une maison du Connemara se joue un drame horrible et ordinaire: celui de Maureen, 40 ans, qui prend soin de sa mère Mag, femme manipulatrice et capricieuse. C’est aussi, on le découvrira une fois traversées les apparences, l’inverse: le drame de Mag, qui craint la solitude jusqu’à la  tyrannie.

Dans la cuisine d’une maison du Connemara se joue un drame horrible et ordinaire: celui de Maureen, 40 ans, qui prend soin de sa mère Mag, femme manipulatrice et capricieuse. C’est aussi, on le découvrira une fois traversées les apparences, l’inverse: le drame de Mag, qui craint la solitude jusqu’à la tyrannie.

Voilà ce que raconte La Reine de beauté de Leenane, "conte de fées horrible" selon Martin Faucher, metteur en scène. On y découvre que la méchanceté appelle la méchanceté, que le jeu de la victime et du bourreau se joue à deux et que les rêves, parfois, sombrent dans les pires cauchemars.

Dans une mise en scène et une scénographie réalistes, où gestes, décor, objets et costumes disent clairement le poids du quotidien, la pièce oscille entre comique – parfois féroce – et tragique. Les méchancetés qui fusent, les manigances de Mag, les raisonnements étroits de Ray, un voisin, ainsi que les blagues et la maladresse de Pato, l’amoureux de Maureen, font rire. Mais l’enfermement des personnages, la cruauté des rapports de Maureen et Mag, l’impuissance, l’enlisement dans les habitudes et les conventions sont tragiques. Les personnages tournent en rond dans leur cage sans issue et forcément, se mordent.

Cette pièce dure est portée par des comédiens dont l’interprétation pleine de profondeur évite, en général, la caricature. Denise Gagnon incarne avec de très fines nuances son personnage de "vieille haïssable" qui devient, par moments, craintive ou hésitante, puérile, presque, dans sa méchanceté. Micheline Bernard, en Maureen accablée, semble parfois jouer la lassitude de façon trop appuyée; mais cela ne fait-il pas partie d’un jeu malsain avec sa mère? Enfin, dans des personnages offrant un peu d’air du dehors, Jean Maheux campe un Pato sympathique et attentif, et Steve Laplante, un Ray qui amuse, malgré la gravité de son rôle dans l’action.

La pièce du jeune auteur irlandais Martin McDonagh, dans la traduction à la musicalité toute québécoise de Fanny Britt, fait rire et frémir, révolte et émeut. Et nous laisse avec une impression trouble: on ne peut parfaitement aimer ou parfaitement haïr aucun de ces personnages. Malgré leurs défauts, leur dureté ou leur inconséquence, la faille est chez chacun trop visible pour ne pas appeler la compassion. À travers les mots de l’auteur et le regard du metteur en scène, ils apparaissent profondément humains, dans ce que l’humain peut avoir de triste lorsqu’il n’a pas, et ne trouve pas, les moyens de son bonheur.