Zazie dans le métro : Métro, boulot, théâtre!
Des Zazie, on en voudrait toujours plus. Peut-être pas à la maison, mais dans les livres, sur les écrans et sur les scènes, ah ça oui!
Des Zazie, on en voudrait toujours plus. Peut-être pas à la maison, mais dans les livres, sur les écrans et sur les scènes, ah ça oui! L’an dernier, le Théâtre des Fonds de tiroirs présentait dans un tout petit espace de Limoilou son adaptation du célèbre roman Zazie dans le métro, de Raymond Queneau (1959), qui a remporté le Masque de la révélation de l’année. À l’invitation du Théâtre Denise-Pelletier, la jeune troupe effectue le voyage Québec-Montréal avec un Paris de carton dans ses malles, question de nous faire découvrir son adaptation délicieusement impertinente des mésaventures de l’impénitente gamine française.
La fille de Jeanne, une couturière de province qui a découpé son mari en morceaux et s’en cherche un nouveau, n’a qu’un rêve: celui de parcourir la ville sous terre. Pas de chance, lui apprend Tonton Gabriel (Sylvio-Manuel Arriola) lorsqu’elle se pointe pour un week-end à Paris, son moyen de locomotion fétiche est en grève. "Les employés aux pinces perforantes ont cessé tout travail." Furieuse, Zazie se sauve. Puis revient, accompagnée d’un sosie de Charlie Chaplin (Marie-Christine Lavallée) aux intentions troubles, qui se prétend policier et lui a acheté des "bloudjinnzes" américains.
En deux jours, la turbulente môme en fera voir de toutes les couleurs à son gardien, qui se transforme en danseuse espagnole la nuit – probablement un "hormosessuel", croit la gamine -, à la douce Marceline (Valérie Laroche), à Charles (Catherine Larochelle), le chauffeur de tac trop sérieux, aux employés du bistro voisin et aux passants du quartier (Marie-France Desranleau, Alexandre Morais), sans oublier le perroquet Laverdure et son "tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire…". Soulignons l’impressionnant travail d’adaptation et de mise en scène de Frédéric Dubois, qui a donné vie à ce roman foisonnant sans en trahir l’esprit (tout comme l’a fait Louis Malle au cinéma). Le résultat est enlevant et chouette comme tout.
La scène est exiguë, vide à l’exception d’une colonne Morris et d’édifices en silhouette (un décor de Yasmina Giguère). L’équipe a misé sur le pouvoir d’évocation du théâtre. Les comédiens jouent face au public, le visage expressif et le geste saccadé, sortes d’automates hyperactifs maquillés comme des acteurs de cinéma muet. Les savoureuses trouvailles langagières de Queneau crépitent sur les langues à grande vitesse. Tous s’en tirent bien avec ce mélange d’argot et d’envolées poétiques, particulièrement Monelle Guertin dont la Zazie polissonne et curieuse a beaucoup de charme, ainsi que, dans des rôles masculins, Catherine Larochelle avec un Charles attendrissant, et Marie-Christine Lavallée dans le rôle de Euh, le dangereux gendarme qui a perdu son nom. La performance de la soirée est toutefois offerte par le musicien Pascal Robitaille, qui ponctue l’action de ses trouvailles sonores, à l’aide d’instruments divers, dont des jouets d’enfants.
Malgré quelques longueurs en deuxième partie, il faut voir cette production fantaisiste et inventive, ne serait-ce que pour le plaisir indémodable d’entendre la jolie môme poser de franches questions aux adultes qui l’entourent… pour leur balancer ensuite de vigoureux "mon cul!" lorsqu’ils essaient de la berner. Vraiment, cette Zazie a de la gueule.
Jusqu’au 30 novembre
À la Salle Fred-Barry