Les Monologues du vagin : L'origine du mot
Scène

Les Monologues du vagin : L’origine du mot

C’est beaucoup plus qu’une pièce: un véritable phénomène social. Depuis sa création en 1996, le texte cendrillon de la bien prénommée Eve Ensler promène son mot tabou un peu  partout.

C’est beaucoup plus qu’une pièce: un véritable phénomène social. Depuis sa création en 1996, le texte cendrillon de la bien prénommée Eve Ensler promène son mot tabou un peu partout. Pendant que certains hommes font les fanfarons en triturant leur attribut mâle (The Puppetry of the Penis), les explicites Monologues du vagin permettent aux femmes de se réapproprier joyeusement la partie la plus intime, et souvent la plus méconnue, de leur corps. À chacun son style…

L’exercice tient au moins autant de la thérapie collective et de l’exutoire libérateur que du théâtre; c’était manifeste durant la première francophone, jouée devant une salle remplie à au moins 80 % de filles d’Ève, qui rigolaient ferme et s’identifiaient manifestement.

Issus des interviews de l’auteure avec 200 femmes de tous âges, races et milieux, les Monologues présentent le vagin dans tous ses états: humilié et aimé, ignoré et révélé, violenté et revendicateur. Ils célèbrent, plus largement, la sexualité féminine. Les spectatrices peuvent s’y insurger devant l’inconfort des examens gynécologiques, frémir d’horreur à l’évocation de l’excision ou du viol, applaudir au fait que le clitoris possède deux fois plus de terminaisons nerveuses que le pénis (!), réhabiliter les mots honnis comme "con", et communier à toutes sortes d’histoires, dont celles où des femmes apprennent à aimer leur "origine du monde", grâce à un homme, une femme… ou un atelier féministe de découverte du vagin!

Avec leur côté direct, les Monologues visent donc juste. De plus, la plupart des textes sont marqués au sceau d’un humour jouissif, certains colorés d’accents fantaisistes, certains touchants.

Production américaine présentée dans l’univers un peu guindé du grand Théâtre Maisonneuve de la PDA (on est loin du show tabou joué dans la clandestinité!), la pièce est interprétée ici en alternance en français et en anglais. Dans la langue d’Anaïs Nin, des comédiennes de trois générations différentes se mettent en bouche les mots salés, rageurs ou jubilatoires d’Eve Ensler. Élégamment habillées d’écarlate mais pieds nus comme l’auteure/comédienne en a consacré l’usage, Janine Sutto, Louise Marleau (qui signe aussi la mise en scène de l’adaptation franco) et Pascale Desrochers sont installées devant des lutrins, texte en main. (Oui, oui, il faut débourser de 30 à 60 $ pour un show de chaises!)

Le ton est à la complicité rieuse. Ces actrices talentueuses montrent un plaisir manifeste à prononcer ces mots interdits, et à se mettre dans la peau de différentes femmes. Elles s’en tirent toutes avec beaucoup de conviction, même si l’interprétation de certains monologues privilégie parfois la composition un peu aux dépens de la vérité. Ainsi, la mutine Pascale Desrochers campe avec drôlerie l’adolescente abusée qui découvre le plaisir sous les caresses d’une femme, mais son faux accent noir (commandé par le texte, il faut dire) fait perdre un peu la charge plus tragique du texte, au début.

Très affirmée, Louise Marleau s’illustre notamment dans une incarnation déchaînée des différents types de gémissements… Plus sobre, Janine Sutto donne une émouvante lecture du calvaire d’une Bosniaque violée, un des monologues les plus puissants du lot dans sa poésie horrifique. Un moment sombre d’une soirée autrement conjuguée sous le signe du plaisir.

Un hommage à la sexualité féminine manifestement libérateur. Même en 2002, il semble que certains mots aient encore besoin d’être prononcés…

Les 28 et 30 novembre en français
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts