Vacarmes : Rien qu'un jeu?
Scène

Vacarmes : Rien qu’un jeu?

Une longue décennie après la création "historique" de Cabaret Neiges Noires, le nouveau party grinçant du Théâtre Il va sans dire apparaît moins poétique, moins sombre et surtout plus anodin que son célèbre prédécesseur.

D’accord, les comparaisons sont odieuses, mais inévitables dans les circonstances. Une longue décennie après la création "historique" de Cabaret Neiges Noires, le nouveau party grinçant du Théâtre Il va sans dire apparaît moins poétique, moins sombre et surtout plus anodin que son célèbre prédécesseur. On ne refait pas un show-culte à tous les 10 ans – bien que ça, c’est le temps qui le dira…

Reconnaissons au moins que Dominic Champagne a l’art de capter l’air du temps. Les enfants de la mort du rêve sont devenus des adultes surinformés mais impuissants, socialement conscients mais cyniques. Jouant sur la mauvaise conscience d’une génération, Vacarmes, cabaret perdu souligne au crayon gras nos contradictions de citoyens libres mais incapables de changer la course déviante du monde, tiraillés entre notre mode de vie individualiste et nos aspirations idéalistes.

Le problème du Moyen-Orient, l’ALENA, la pollution, la pauvreté, l’exploitation des travailleurs du Sud, l’oppression des femmes, la consommation effrénée, le vide existentiel et l’égocentrisme de l’Occident… Vous avez ici, à la carte, tous les maux de la planète évoqués en chansons ou en sketchs. Un constat peu étonnant pour qui lit les journaux.

Concocté sur les ruines du 11 septembre, Vacarmes se contente trop souvent de faire du rase-mottes sur les sentiments paradoxaux qui agitent notre époque désespérante. Si les cibles sont justes, les textes (signés par sept auteurs) ne pèchent généralement pas par le raffinement ou la transposition poétique. Ce cabaret politique livre sa matière de façon brute – dans les chansons – ou sous les auspices d’un humour plutôt facile: voir les interventions des deux M.C. (Norman Helms et le délirant Michel André-Cardin) avec leurs mauvais jeux de mots. Bref, ça ne va pas loin…

Il y a des exceptions, comme ces réjouissants numéros mettant en vedette Évelyne Rompré dans une satire de la médiatisation de la misère, où on invite les spectateurs à soulager leur mauvaise conscience. La meilleure? "Aidez un Occidental en le privant de quelque chose"…

Autrement, avec ses running gags, ses personnages clownesques, le ton de Vacarmes est plutôt fait d’une dérision de potache. On y voit la naïve Carole de Verdun (Violette Chauveau, toujours craquante en ingénue), représentante de la citoyenne pleine de bonne volonté mais désemparée, se débattre telle une pure Lolita au centre d’une faune qui parle de désengagement ou lui prodigue des conseils incompréhensibles. Comme les blagues du duo burlesque Cunt Jemima (Julie Castonguay) et Uncle Gren’s (Bruno Marcil) (sic), qui volent parfois assez bas, malgré la composition bien typée des comédiens et les trouvailles visuelles des costumes.

L’emballage de Vacarmes en fait un spectacle séduisant, qui embrasse franchement le genre du cabaret, avec ses nombreuses chansons aux styles divers composées par André Barnard, Pierre Benoit et Ludovic Bonnier. Doué organisateur de partys pour époques désenchantées, le metteur en scène de Varekai offre un divertissement un peu longuet, mais vivant, coloré (dominé par le rouge), festif, emporté par d’énergiques interprètes qui savent que ce n’est pas parce que le monde va mal qu’il faut s’empêcher de faire la fiesta…

Une expérience ludique plutôt que provocante.

Jusqu’au 14 décembre
À l’Espace Libre