Dave St-Pierre : La loi du désir
Le jeune chorégraphe DAVE ST-PIERRE prend un malin plaisir à surprendre le public. Dans sa nouvelle oeuvre créée à Tangente, Le No Man’s Land Show, vingt figurants viendront se mêler aux cinq interprètes.
"Je tombe obligatoirement amoureux des gens avec qui je travaille", m’avoue Dave St-Pierre en début d’entrevue. Ce jeune chorégraphe et amant de la vie a depuis longtemps compris que nous sommes tous des êtres de désirs. Que ces désirs proviennent de pulsions. Et que ces mêmes pulsions sont cachées au plus profond de chaque être. Or, selon lui, il y a un moyen d’avoir accès à cette caverne d’Ali Baba se trouvant en chaque individu: l’amour inconditionnel.
"J’ai besoin de ces trésors d’intensité et d’authenticité pour créer mes pièces. Afin d’y arriver, je fais de la danse-événement où tout se déroule et se décharge dans l’ici-maintenant. Or, je suis conscient que les moments d’incertitude que ça peut engendrer durant les représentations pèsent énormément sur les épaules des interprètes. La force qui leur permet de faire face à ce genre de situation provient justement de la relation de confiance que nous avons développée avec le temps. Comme c’est le cas avec mes deux muses Laure Ottmann et Geneviève Bélanger, qui sont là depuis le début de ma carrière de chorégraphe…"
Le nouveau délire cathartique de Dave St-Pierre s’intitule Le No Man’s Land Show et est présenté à Tangente du 16 au 19 janvier. Il met en relief les deux pôles conventionnels que sont le beau et le laid. Mais, bien entendu, ils sont revus à travers la lunette déformante du chorégraphe qui prend un malin plaisir à surprendre le public en lui présentant l’inverse de ce à quoi il s’attend. "Je ne veux pas que le public ait le contrôle", explique-t-il à ce sujet.
"La participation des spectateurs est importante, car elle permet à ceux-ci de toujours garder leurs sens en éveil. Je tiens à faire sentir au public qu’il fait autant partie du spectacle que les interprètes. Pour Le No Man’s Land Show, j’ai pris les grands moyens…", me confie-t-il. Ces grands moyens, ce sont vingt figurants qui se joindront aux cinq interprètes, et qui nous feront l’honneur de se découvrir devant nous… un talent pour la scène.
Son engouement pour la danse théâtrale, Dave St-Pierre le doit à deux de ses principales influences: Pina Bausch et Mia Maure Danse. "Au tout début de ma carrière d’interprète, ce sont les chorégraphes Jacques Brochu et Marie Stéphane Ledoux de Mia Maure Danse qui m’ont ouvert les yeux sur ce que pouvait être un corps simplement humain en danse contemporaine. Maintenant que je suis chorégraphe, ce sont des lectures qui alimentent ma réflexion sur le corps dansant. En ce moment, je lis sur la chorégraphe allemande Pina Bausch et je suis agréablement surpris de constater que nous partageons la même vision "dramatique" du corps. Elle est devenue, en quelque sorte, un phare pour mon inspiration."
Les trois autres interprètes qui compléteront l’imposante distribution du No Man’s Land Show sont Enrica Boucher, Francis Ducharme et Julie Perron. Ce spectacle sera sans doute l’un des plus surprenants de cette nouvelle année qui s’amorce. Il est toutefois important de souligner que Dave St-Pierre partagera cette soirée de danse avec le chorégraphe George Stamos qui nous présentera sa pièce Schatje, créée en collaboration avec ses interprètes Tonja Livingstone, Luciane Pinto et Lee Anholt, ainsi qu’avec le musicien Mark Peetsma, le D.J. Owen Chapman et l’artiste visuel Jonathan Inksetter.
Comme je l’ai mentionné dans la rétrospective 2002, Dave St-Pierre est sûrement l’un des visages marquants de notre plus ou moins jeune relève en danse contemporaine, dont la visée reste encore la découverte de nouvelles façons de revoir le corps dansant en relation avec son environnement. Pourtant, faute de subventions, ce chorégraphe fonctionne avec peu de moyens. Il est donc tentant de se demander, à l’inverse, si la trop grande sécurité financière de certaines compagnies établies ne serait pas parfois à la source de leur manque d’innovation?
À surveiller
La chorégraphe et interprète Mariko Tanabe présente, à la maison de la culture Plateau-Mont-Royal, du 16 au 18 janvier, son solo Daphnée (sic), inspiré du mythe grec dans lequel cette nymphe, fille du fleuve Pénée, fut transformée en laurier par son père, afin d’échapper à l’aveugle passion d’Apollon. De cette légende, Mariko Tanabe a surtout retenu la puissance évocatrice de la symbolique de l’arbre comme source d’inspiration.
La chorégraphe d’origine japonaise, qui préconise habituellement le mélange des arts et des cultures, continuera dans la même veine en nous présentant une oeuvre multimédia (musique, danse et vidéo) réunissant les traditions artistiques asiatiques et grecques.