Isabelle Roy : Jeunesse d'aujourd'hui
Scène

Isabelle Roy : Jeunesse d’aujourd’hui

L’affiche de la prochaine création du Théâtre d’Aujourd’hui pourrait ressembler à une vitrine de la relève. Autour du premier texte monté dans un théâtre professionnel de Martin Pouliot, un poète de la Vieille Capitale, Le Bruit des camions dans la nuit réunit le metteur en scène montant Michel Bérubé et trois jeunes comédiens: Patrick Hivon et Olivier Morin, qui viennent de s’illustrer dans Les Feluettes, ainsi qu’Isabelle Roy.

L’affiche de la prochaine création du Théâtre d’Aujourd’hui pourrait ressembler à une vitrine de la relève. Autour du premier texte monté dans un théâtre professionnel de Martin Pouliot, un poète de la Vieille Capitale, Le Bruit des camions dans la nuit réunit le metteur en scène montant Michel Bérubé et trois jeunes comédiens: Patrick Hivon et Olivier Morin, qui viennent de s’illustrer dans Les Feluettes, ainsi qu’Isabelle Roy.

Cette comédienne s’impose de plus en plus sur les scènes montréalaises, où son talent s’exerce désormais dans quelque trois pièces par an. Après avoir mis au monde une fille, cette diplômée de la cuvée 1998 de l’École nationale de théâtre s’est vite fait remarquer dans quelques classiques (La Reine morte, Macbeth), avant d’embarquer dans des univers plus contemporains, dont le très dur Blasted, et Dévoilement devant notaire, cet automne.

La menue comédienne de 30 ans incarne généralement de très jeunes filles, et volontiers paumées… "Mais ce sont toujours des personnages qui ont de la substance, bien que souvent torturés, ajoute Isabelle Roy. Je suis très chanceuse, parce que des rôles intéressants de filles au théâtre, il n’y en a pas des masses… Je joue souvent des personnages forts, durs, qui ne laissent pas facilement voir qui ils sont, qui nient leur souffrance. Des personnages aussi extrêmement meurtris. Et ça, ce n’est pas si loin de moi (rires). Tout me touche, je n’ai pas encore réussi à me faire une carapace…"

Celle qui campera une adolescente dans la future création de Wajdi Mouawad, Incendie, au prochain Festival de Théâtre des Amériques, puis en tournée en France, se glisse encore une fois dans la peau d’une fille perturbée de 15 ans. Isolés dans le fin fond d’un rang, Vivie et ses deux jeunes frères cherchent tant bien que mal à échapper à la dureté de leur milieu familial et à leur vie sans horizon. En attendant l’improbable libération sous la forme d’un camion qui viendrait anéantir leur maison, le trio s’invente des jeux "extrêmes", de guerre et de séduction.

Isabelle Roy voit d’incontestables résonances ducharmiennes dans ces personnages d’enfants au désespoir trop grand pour eux, qui parviennent à survoler leur misère grâce au ludisme et au rêve. "C’est un texte très poétique, qui génère beaucoup d’images, de sensations. Ces jeunes souffrent, mais ils ont une envie de s’en sortir que je trouve très belle et touchante. Ils veulent mourir mais, en même temps, ils survivent en s’inventant un monde. Je vois quelque chose de positif dans leur fougue, leur imaginaire, leur vitalité. Ils ne s’apitoient pas sur eux-mêmes, et ça, je trouve ça beau. Parce qu’on en a assez du misérabilisme. On sait tous que la vie est dure…"

Grâce à cette évasion par l’imagination, Le Bruit… pourrait aider certains jeunes, croit Isabelle Roy. "Les jeunes sont un peu désespérés, ils se cherchent. Il y a eu un éclatement des valeurs, et on est ceux qui ramassent les miettes, qui essaient de retrouver un équilibre. Tout est devenu tellement subjectif, même la notion du bien et du mal, qu’on n’a pas de valeurs sociales communes, rien qui nous rassemble. Ça nous manque."

Pour nourrir son personnage d’ado violée par son père, la comédienne s’est documentée sur l’inceste. "Si j’accepte un projet, c’est parce qu’il y a quelque chose là qui m’intéresse, donc j’ai envie d’aller plus loin pour comprendre. Le show n’est pas une fin en soi. Tout ce qui est autour, la recherche préalable, passer quelques mois de sa vie à réfléchir sur quelque chose, je trouve ça passionnant. C’est aussi important que de jouer, pour moi."

C’est l’une des joies de ce métier qui l’attire depuis presque toujours. "Le théâtre, c’est là où je me sens le mieux. C’est un art qui prend du temps, et je trouve ça le fun, parce qu’on n’a tellement pas le temps de faire les choses comme il le faut, souvent, dans notre vie. On est privilégiés d’avoir l’occasion de se poser des questions, de se payer le luxe de répéter un détail que peut-être seulement deux spectateurs vont remarquer… De jouer aux psychologues aussi. On essaie de creuser l’âme humaine, de comprendre pourquoi on fonctionne ainsi. C’est quand même fascinant…"

Du 14 janvier au 8 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui