

Le Colonel et les oiseaux : Mobilisation générale
Avec Le Colonel et les oiseaux de HRISTO BOYTCHEV, le théâtre bulgare fait son entrée au Trident. Dans ce "show de filles", JACK ROBITAILLE joue le rôle d’un étrange colonel, à la tête d’une bien drôle d’armée…
Marie Laliberté
Sous la direction de la metteure en scène Marie-Josée Bastien, Jack Robitaille partage la scène avec six comédiennes: Lise Castonguay, Hélène Florent, Érika Gagnon, France LaRochelle, Myriam LeBlanc, Anne-Marie Olivier. Tous ensemble, ils forment un groupe de patients isolés dans un hôpital psychiatrique dans les montagnes, au fin fond de la Bulgarie. "On est dans un trou profond, un espace perdu. Ces gens qui souffrent de maladie mentale se retrouvent dans un hôpital à l’autre bout du monde, et vivent dans un grand désordre", explique le comédien. C’est à travers son personnage de Fetissov que le groupe retrouvera une vie plus ordonnée et une certaine dignité. Militaire, Fetissov apparaît "comme le principe organisateur du groupe. Comme le désordre est difficile à supporter, il instaure un régime militaire que les patientes acceptent".
Fable politique, Le Colonel et les oiseaux évoque la Bulgarie, et l’ensemble des pays de l’est, dans le chaos suivant la chute du bloc communiste, au moment où on espère quelque chose, ou quelqu’un, qui viendra tout remettre en place. Le spectacle est aussi une "fable sur l’organisation des faibles", et sur la quête de reconnaissance que les personnages entreprendront en tentant de rejoindre les forces de l’OTAN, rêve fou que raconte la pièce. "C’est l’organisation et la mise en commun des maigres ressources de chacun qui fait que ce groupe-là renaît, que ces gens-là peuvent devenir signifiants dans la société. Là on sort de la Bulgarie, et on revient ici pour parler des gens désorganisés, seuls, en détresse." Cet aspect de la pièce touche particulièrement Jack Robitaille; en tant que porte-parole du groupe Vincent et moi, regroupement d’artistes souffrant de problèmes psychologiques, il a souvent l’occasion de côtoyer "l’enfer, la douleur constante que cause la maladie mentale".
Sans tomber dans la caricature ni dans la précision clinique, la pièce présente des personnages dérangés, souffrants, oubliés qui, par leurs manies, font rire et réfléchir à ce qui, autrement, serait difficilement supportable. "C’est une comédie sur la douleur humaine, un délicat mélange de drôlerie et de grande détresse. Le travail de répétition a porté beaucoup là-dessus: faire l’alliance entre la détresse et le fait que cette détresse, à travers ses manifestations, provoque le rire. Un rire riche, efficace, qui nous rapproche de ces gens." Et comment joue-t-on la folie? "À travers des choses bien concrètes. On n’a pas cherché l’état de folie, mais plutôt le geste, la manifestation, auxquels on ajoute la détresse, la solitude. Paradoxalement, c’est à ce moment-là que ça devient le plus drôle. C’est assez surprenant."
Fable, comédie, drame, la pièce est aussi image poétique évoquant le rêve, la solidarité, la liberté, évoquant aussi la vulnérabilité de chacun. " C’est une poésie qui rejoint en chacun de nous des détresses, des vides, des manques: des fragilités du coeur, de l’âme, de l’esprit. Ces gens-là, en déséquilibre permanent, sont une image de cette chose qui est en nous et que nous réussissons à maîtriser, même si ça ne prend pas grand-chose pour qu’on sombre dedans."
Si le théâtre est toujours un art collectif, le spectacle Le Colonel et les oiseaux l’est particulièrement, puisqu’il raconte l’histoire d’un groupe et de sa quête. Cette caractéristique touche ce qui constitue pour Jack Robitaille, après vingt-huit ans de carrière, à la fois la difficulté et le plaisir du métier d’acteur. "C’est un travail d’humilité, de dépouillement, de malléabilité. Mon plus grand plaisir, c’est d’être à la mesure d’un projet de mise en scène, de m’intégrer le mieux possible pour servir le spectacle. C’est un travail difficile, mais fascinant."
Les concepteurs Vano Hotton, Isabelle Larivière, Éric Champoux, Mathieu Farhoud-Dionne, Harold Rhéaume et Christian Garon complètent l’équipe.
Du 14 janvier au 8 février
Au Trident
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