Critique: Le Colonel et les oiseaux
Scène

Critique: Le Colonel et les oiseaux

Un monastère à l’abandon. Sous son toit, sept patients, relégués aux oubliettes, au fin fond de la Bulgarie. Négligés, sans secours dans cet "hôpital psychiatrique", ils se sont créé un univers où ils mènent, tant bien que mal, un semblant d’existence, et où ils vivent en harmonie, dans un joyeux désordre où cohabite la folie de chacun. C’est seulement le "réveil" du Colonel, un malade qui émerge, après trois ans, d’un profond mutisme, qui redonnera à ce monde un minimum d’organisation, en même temps qu’un peu de dignité.

Un monastère à l’abandon. Sous son toit, sept patients, relégués aux oubliettes, au fin fond de la Bulgarie. Négligés, sans secours dans cet "hôpital psychiatrique", ils se sont créé un univers où ils mènent, tant bien que mal, un semblant d’existence, et où ils vivent en harmonie, dans un joyeux désordre où cohabite la folie de chacun. C’est seulement le "réveil" du Colonel, un malade qui émerge, après trois ans, d’un profond mutisme, qui redonnera à ce monde un minimum d’organisation, en même temps qu’un peu de dignité.

Dans un contexte de guerre, celui des Balkans après le démantèlement du bloc communiste, voici, avec Le Colonel et les oiseaux (1998), de Hristo Boytchev, une réflexion sur le pouvoir du rêve, sur la folie mais surtout, sur la différence. Différence, par métaphore, d’un peuple qui réclame sa place, différence aussi d’êtres humains qu’on qualifie de fous. Ne pouvant fonctionner dans une société dont ils ignorent ou transgressent les règles, ces malades redeviennent "sains", ou du moins fonctionnels, dans un groupe qu’anime un but commun. Solidarité, camaraderie, effet rassurant de la collectivité et de la présence d’un chef: comme les oiseaux du titre, ces personnages, fragiles mais fortifiés par le groupe, parviennent à affronter ensemble de grandes intempéries, malgré la vulnérabilité de chacun.

Le décor (Vano Hotton), recréant par un plancher de dalles, des pans de murs lézardés, un vitrail et quelques arches un monastère, est magnifique. Image de l’abandon, de la solitude, il figure aussi la beauté abîmée, en décrépitude, du lieu et des malades qui y logent.

Les comédiens campent avec netteté des personnages aux déséquilibres divers. Chacun révèle, par ses gestes et attitudes, son mal: dépression, toxicomanie, cleptomanie… Extérieurement, les traces de la folie sont bien visibles; mais on ne sent pas toujours l’angoisse sous-jacente. Même si, dans son ensemble, l’aventure des personnages apparaît touchante, on aurait souhaité, peut-être, plus d’émotion, comme on en trouve par exemple chez Jack Robitaille, colonel imperturbable chez qui affleure, lorsqu’on lui témoigne trop d’affection, une faille brutale, et chez Myriam LeBlanc, en Petite Poucette convaincue d’être minuscule, qui craint qu’on ne l’écrase par inadvertance, et qui nous fait réellement partager sa terreur.

Musique superbe (Mathieu Farhoud-Dionne), mise en scène dynamique (Marie-Josée Bastien), personnages attachants, vigueur et poésie: voilà ce que réserve cette première pièce bulgare jouée au Trident.