Lauren Degilio : Heavy métal
Scène

Lauren Degilio : Heavy métal

La chorégraphe Lauren Degilio nous présente sa nouvelle pièce, Flesh/La flèche, créée à Tangente. Une oeuvre où les danseuses doivent se mesurer à un partenaire métallique de huit pieds de haut…

"Quand on travaille en création, on a constamment l’intuition qu’on cherche quelque chose d’inconnu… et c’est l’inconnu, that’s it! Il faut simplement l’accepter", lance naïvement, mais avec raison, Lauren Degilio, dans un moment plutôt philosophique de l’entrevue qu’elle m’a accordée au sujet de sa prochaine pièce. Elle présentera Flesh/La flèche \à Tangente, du 30 janvier au 2 février.

Cette oeuvre a ceci de particulier qu’elle impose à ses six interprètes féminines le défi de composer avec un partenaire métallique de huit pieds de haut. "Bien entendu, cette structure n’a pas la mobilité et l’écoute d’un corps humain, comme ce serait le cas en danse-contact", dit-elle, tout en énumérant le type de rencontres parfois percutantes que cela peut occasionner entre un appendice corporel plutôt fragile et la dureté immuable des longs cylindres de métal.

L’un des thèmes abordés par la chorégraphe est d’ailleurs le principe d’opposition inhérent à tout être et à toute situation vécue: force et fragilité, haut et bas, légèreté et gravité… Pour elle, l’un ne va pas sans l’autre et nous devrions apprendre à les voir dans un rapport de complémentarité, plutôt que dans un strict rapport d’opposition, comme nous le faisons couramment pour le corps et l’esprit. Mais cela n’a rien d’étonnant, étant donné la vision manichéenne des religions d’origine judéo-chrétienne qui sont à la base de notre culture nord-américaine, et qui définissent tout selon le rapport bipolaire du bien et du mal.

On a beau dire, la religion nous apporte tout de même son lot de poésie et de réflexion. Lauren Degilio a d’ailleurs pu s’en apercevoir lors d’un récent voyage au Mexique: "Là-bas, les gens sont aussi croyants que l’étaient les Québécois d’il y a 40 ou 50 ans. S’ils sont confrontés à une situation de danger ou à un malheur, ils se mettent à prier leur saint protecteur… et comme par magie, ça fonctionne. Est-ce un simple hasard, ou sont-ils plus habitués que nous à ressentir les phénomènes invisibles et irrationnels? Je ne sais pas, mais je trouve ça beau d’y croire."

Cela a amené la jeune créatrice à lire sur les anges et à réfléchir sur ce phénomène en le replaçant dans l’optique contemporaine d’une société dite civilisée. Et qui dit civilisation, dit aussi urbanité, avec tout ce que cela sous-entend en termes d’architecture et de technologie. La structure métallique semble donc être présente à l’intérieur du spectacle pour nous rappeler que le corps (et l’esprit) actuel doit désormais s’adapter à ce qu’est devenue la société moderne; la froide réalité de ce qui est immuable nous ramène à notre propre scepticisme face à l’insaisissable et à nos principes établis.

Ce qui nous est inconnu, comme les anges, le hasard ou les méandres de l’esprit humain, prend alors une tout autre signification lorsqu’on perçoit clairement l’obstacle qui nous empêche d’y toucher. Mais paradoxalement, c’est aussi à cause de cette tension créée par l’obstacle qu’on peut prendre conscience de ce qui se cache derrière. Voilà une exploration, autant corporelle que spirituelle, qui s’annonce très intéressante.

Il est à noter que l’équipe de Lauren Degilio – formée par les interprètes JoDee Allen, Isabelle Chevrier, Julie Duzyk, Claudia Fancello, Lesley Farley et Helen Simard – partagera la soirée de danse avec le solo Venus with the Rubic’s Cube de la Tchèque Kristyna Lhotakova.

À surveiller
L’Usine C présentera, les 31 janvier et 1er février, la première mondiale de la pièce Nsamu de la chorégraphe, interprète, musicienne, auteure, professeure de danse et de philosophie Zab Maboungou. Il s’agit d’une création où cohabitent paroles, gestes et rythmes. Cette artiste polyvalente oeuvre depuis une trentaine d’années au développement de la danse africaine, autant au Québec qu’à l’étranger. C’est dans cet élan qu’elle fonde, en 1986, le Cercle d’expression artistique Nyata Nyata qui lui permettra de diffuser et de promouvoir son art sur les scènes locale, nationale et internationale.

Le Studio 303 nous donnera à voir, le samedi 25 janvier, son Vernissage-danse #107. Au menu: Space Butt, Now de Leslie Baker, une exploration dont la composition musicale a servi de technique chorégraphique; The Replacement, de Deborah Dunn, oeuvre inspirée d’une nouvelle d’Edgar Poe; un extrait de Singularités persistantes, de Motaz Kabbani, qui sera présentée en entier à Tangente au début de février et, finalement, une création de l’artiste interdisciplinaire Louise Moyes.

Également, par b.l.eux (Benoît Lachambre) vous convie à assister aux performances "non spectaculaires" qui se produiront lors d’une fête très spéciale, le 25 janvier, dès 20 h à la SAT, sous le titre Concours de circonstances.