Chroniques: le XXe siècle en théâtre : La faim de l'histoire
Scène

Chroniques: le XXe siècle en théâtre : La faim de l’histoire

Les créateurs de Chroniques: le XXe siècle en théâtre se disent "humblement prétentieux dans la folie". Ce sont eux qui l’affirment mais on ne peut qu’approuver, devant l’ampleur du spectacle-fleuve qu’ils montent avec les moyens du bord. L’oeuvre ambitieuse de Sébastien Guindon dure six heures – sans compter les pauses, une collation et même un repas! – et met en scène quatre générations de femmes sur qui s’acharne la fatalité.

Les créateurs de Chroniques: le XXe siècle en théâtre se disent "humblement

prétentieux dans la folie". Ce sont eux qui l’affirment mais on ne peut qu’approuver, devant l’ampleur du spectacle-fleuve qu’ils montent avec les moyens du bord. L’oeuvre ambitieuse de Sébastien Guindon dure six heures – sans compter les pauses, une collation et même un repas! – et met en scène quatre générations de femmes sur qui s’acharne la fatalité. En tout, 186 personnages passent sous nos yeux, témoins du siècle postés à Paris en 1900, à Dublin en 1916, à Rome en 1930, à Berlin en 1948, à Montréal en 1966, et enfin dans l’océan Pacifique en 2000. Divisé en épisodes d’une heure, le spectacle pourra être vu dans son entier dimanche prochain, ou par tranches de deux épisodes par soir d’ici là. Une idée folle pour témoigner d’un siècle fou.

Ce (long) voyage dans le temps unit la grande et la petite histoire, le vrai et le faux, la rigueur et le délire. L’idée de mettre en scène des personnages qui racontent le XXe siècle n’a rien de neuf, mais l’intérêt réside ici dans la manière de le faire, ultra-généreuse. L’équipe recrutée par les initiateurs du projet est imposante: sous la direction du metteur en scène Normand Lafleur s’activent 10 comédiens (Annick Beaulne, Hugo Bélanger, Marc-François Blondin, Céline Brassard, Myriam Houle, Marika Lhoumeau, Normand Poirier, Julie Tremblay-Sauvé, Martin Vaillancourt et le dramaturge Sébastien Guidon) et quatre musiciens, soit Natasha Poirier, dotée d’une jolie voix, Mathieu Descheneaux, Martin Rodrigue et Sylvain Lemire, ainsi qu’une dizaine de concepteurs.

Les Chroniques ont vu le jour dans un local de répétition, devant une poignée de spectateurs. Le feuilleton a suscité un tel engouement que les membres de la compagnie Orbite Gauche ont voulu partager avec un plus large public ces amusantes leçons d’histoire… Car si les descendants de la famille Kurtsfeld sont fictifs, les faits évoqués sont authentiques: l’Exposition universelle de Paris, la révolte de Dublin, la montée du fascisme en Italie, les effets de la guerre froide sur Berlin, les bombes du FLQ, etc.

Chaque épisode a été conçu dans un genre dramatique particulier. Ainsi, Paris 1900 et Dublin 1916, auxquels j’ai assisté, s’inspirent du théâtre de boulevard et du mélodrame. Dans le premier, la pauvre Anna Kurtsfeld, une aveugle qui débarque à Paris, tente de retrouver sa cousine Loulou, prostituée. L’aveugle est guidée par John Tupper, un vendeur de savon qui adore faire mousser son imagination. Marrant, d’un bout à l’autre. Puis, les choses se corsent à Dublin, où des soldats blessés se raccrochent à des souvenirs heureux. Un clown chargé de divertir les troupes raconte la triste histoire de son amour pour Rosie, fille d’Anna et de John Tupper. Ludique et instructif.

La saga est présentée dans un espace intime, bordé de gradins installés en miroir. Pas de narration ici, comme dans la pièce Recent Experiences de Jacob Wren et Nadia Ross, un portrait de famille se développant sur un siècle, présenté au dernier Festival de Théâtre des Amériques. Par son ampleur, cette traversée pas banale du XXe siècle ne ressemble à aucune autre. À déguster à petites ou à grandes bouchées…

Jusqu’au 9 février
À l’Union française