La Sagouine et son monde : Haute fidélité
Scène

La Sagouine et son monde : Haute fidélité

Trente ans après avoir frotté pour la première fois de ses blanches mains les planches d’un théâtre, la célèbre femme de ménage acadienne revient s’agenouiller au même endroit. Pour souligner cet anniversaire de la Sagouine, le Théâtre du Rideau Vert a invité l’auteure Antonine Maillet à faire revivre sur scène la populaire septuagénaire, incarnée avec une fidélité absolue – plus de 2000 fois! – par Viola Léger. Grâce à l’intelligence et à la vivacité de cette grande interprète, qui a maintenant atteint l’âge de son personnage, on ne s’ennuie pas en compagnie de La Sagouine et son monde

Trente ans après avoir frotté pour la première fois de ses blanches mains les planches d’un théâtre, la célèbre femme de ménage acadienne revient s’agenouiller au même endroit. Pour souligner cet anniversaire de la Sagouine, le Théâtre du Rideau Vert a invité l’auteure Antonine Maillet à faire revivre sur scène la populaire septuagénaire, incarnée avec une fidélité absolue – plus de 2000 fois! – par Viola Léger. Grâce à l’intelligence et à la vivacité de cette grande interprète, qui a maintenant atteint l’âge de son personnage, on ne s’ennuie pas en compagnie de La Sagouine et son monde

Incarnées avec truculence par Viola Léger, trois femmes viendront tour à tour raconter leurs déboires, avant que la Sagouine ne se pointe le bout du bonnet, en deuxième partie. À 75 ans, Aglaé est courtisée par un homme qui a de la suite dans les idées, et encore bon espoir de la marier. Installée devant le grand tapis qu’elle tisse, la vieille fille raconte en souriant la déchirante histoire de sa vie consacrée au soin de ses frères et soeurs, orphelins de mère. C’est attristant, et pourtant les rires retentissent, entre autres lorsqu’il est question d’une lady snobinarde dont le paternel s’était entiché. "C’était point une Anglaise, c’était toute l’Angleterre!" C’est qu’elle a le sens du punch, cette Aglaé…

Barbe, dite Babée, est une bonne vivante qui nous cause… depuis son cercueil. Installée dans une bière présentée d’abord à l’horizontale, puis redressée à la manière du lit de Môman dans La Petite Vie, la défunte distribue les piques impertinentes à ses proches. Arrive ensuite Marichette, la joueuse de bingo compulsive. Le numéro le moins original du spectacle. Sa phrase-clé: "Chance égale pour tous." D’où son désespoir lorsque les riches se mettent à remporter des prix…

Après l’entracte, la Sagouine se découpe dans la lumière, accroupie à côté de son seau d’eau. Le public savoure visiblement les expressions colorées de cette femme naïve et sans éducation, qui a travaillé sur la Main à rendre des marins heureux, puis lavé des kilomètres de planchers – ce qui lui fait dire: "J’ai peut-être ben la face nouère pis la peau craquée, mais j’ai les mains blanches!" -, et qui est malgré tout encore capable de s’extasier devant les petits bonheurs de la vie, comme regarder les outardes traverser le ciel.

À la fois poétiques, candides et drôles, ces monologues sont livrés par une Viola Léger au sommet de son art (et dire que cette drôle de dame est sénatrice!). La mise en scène sans flafla de Guillermo de Andrea et le travail épuré des concepteurs contribuent au succès de ces divertissantes scènes de ménage.

Jusqu’au 9 février
Au Théâtre du Rideau Vert