Le Cours des choses : Menu quotidien
Scène

Le Cours des choses : Menu quotidien

La conversation qui constitue le plat de résistance du Cours des choses sonne presque trop vrai pour être théâtrale. Où s’arrête la familiarité ordinaire, où débute la caricature? La ligne est fine dans la création du Nouveau Théâtre expérimental, qui joue de troublante et amusante façon sur l’effet miroir. Dans le programme, une note de l’auteure s’amuse même à inscrire le traditionnel avertissement, généralement associé au cinéma plutôt qu’au théâtre: "Toute ressemblance avec des personnes ou des situations…"

La conversation qui constitue le plat de résistance du Cours des choses sonne presque trop vrai pour être théâtrale. Où s’arrête la familiarité ordinaire, où débute la caricature? La ligne est fine dans la création du Nouveau Théâtre expérimental, qui joue de troublante et amusante façon sur l’effet miroir. Dans le programme, une note de l’auteure s’amuse même à inscrire le traditionnel avertissement, généralement associé au cinéma plutôt qu’au théâtre: "Toute ressemblance avec des personnes ou des situations…"

Artiste visuelle, Josette Trépanier terminerait une thèse "sur l’esthétique du banal"! Un sujet fascinant et inépuisable… Sa pièce joue sur le registre de l’hyperréalisme – un petit peu comme Robert Gravel le faisait, mais sans l’horreur sous-jacente qui imprégnait ses oeuvres. On reste ici dans les aléas et tics du quotidien. Le Cours des choses réussit généralement son pari miné: aligner les platitudes sans y tomber lui-même.

Et quoi de plus banal qu’un repas au restaurant entre amies? Nathalie (Markita Boies) et Geneviève (Louise Bombardier) sont réunies pour célébrer l’anniversaire d’Anne-Marie (Andrée Vachon). Problèmes de couple, d’enfants, de "dépendance affective", problèmes de la planète et commentaires triviaux: les poncifs abonderont dans cette conversation apparemment normale. Ces jeunes quadragénaires représentent des types humains comme le Montréal d’aujourd’hui en produit des masses: il y a là une graphiste pigiste célibataire dans l’âme, une divorcée qui tente de gérer efficacement sa carrière en ressources humaines et ses deux enfants, ainsi qu’une artiste-performeuse, qui "s’investit d’une façon très personnelle dans sa création".

Précisément le genre de phrase qui ne veut rien dire, mais qu’on entend partout – même dans sa propre bouche! Sans avoir l’air d’y toucher, Josette Trépanier nous montre combien le langage est miné, en notre ère de communication (tiens, sûrement un lieu commun, cette expression). Plus souvent qu’autrement, on répète sans en prendre conscience les clichés entendus à gauche et à droite, et répercutés par les médias. Ce texte subtil épingle par exemple notre manie de coller les étiquettes préfabriquées de la psycho-pop sur nos émotions: "Je vis de l’abandon", explique à Nathalie l’épouse délaissée par son nouveau conjoint…

Le Cours des choses nous offre en pâture la vacuité du discours contemporain, où les énormités passent parfois comme dans du beurre, et, partant, le vide intérieur de ses personnages. À travers la pièce, on mesurera aussi l’égocentrisme de chacune.

Entre les allées et venues du serveur (Frédéric Paquet), on les verra manger et boire. Dans le fond, un autre client (Roch Aubert) se restaure, qui ne dira rien, mais dont l’identité fera jaser les trois femmes. Avec ses effets miroitants de verre, le décor de Francine Martin reconstitue le cadre d’un restaurant branché. Ce qui contribue à l’illusion de réalité.

D’autant plus que, habilement dirigées par Diane Dubeau, les comédiennes jouent avec un naturel confondant. On retrouve avec bonheur la merveilleuse Louise Bombardier, toujours aussi punchée. Agréable spectacle aussi de voir Markita Boies incarner un personnage de plus en plus paf, qui émaille son discours de citations d’artistes.

Par moments, la conversation de ces femmes emprunte de tels accents familiers et "ordinaires" qu’on oublie presque qu’on est au théâtre. Et qu’on songe que nos discours usuels pourraient eux-mêmes faire l’objet d’une pareille satire…

Jusqu’au 8 février
À l’Espace libre