Critique : Le roi se meurt
Scène

Critique : Le roi se meurt

Surgissant de la scène, un dispositif scénique simple – trois plates-formes, reliées par autant d’escaliers – représente le palais du Roi Bérenger 1er. Tout en hauteur, ce décor (Jean Hazel) évoque la grandeur du souverain et de son royaume, grandeur en voie de s’effriter à mesure qu’il agonise. Dès le début de la pièce, la moitié d’un étage est enfoncée dans le sol: le roi est déjà très malade. Autour de cette structure ouverte, sans murs, évoquant aussi le vertige de la mort, il n’y a que vide et noir: une image du néant. Celui du royaume dévasté, moribond; celui aussi de l’inconnu vers lequel chemine, inéluctablement, le Roi.

Jusqu’au 22 février
Au théâtre de la Bordée

Surgissant de la scène, un dispositif scénique simple – trois plates-formes, reliées par autant d’escaliers – représente le palais du Roi Bérenger 1er. Tout en hauteur, ce décor (Jean Hazel) évoque la grandeur du souverain et de son royaume, grandeur en voie de s’effriter à mesure qu’il agonise. Dès le début de la pièce, la moitié d’un étage est enfoncée dans le sol: le roi est déjà très malade. Autour de cette structure ouverte, sans murs, évoquant aussi le vertige de la mort, il n’y a que vide et noir: une image du néant. Celui du royaume dévasté, moribond; celui aussi de l’inconnu vers lequel chemine, inéluctablement, le Roi.

Le Roi, comme chacun de nous: voilà le propos du Roi se meurt, tableau de la révolte, puis de la résignation de Bérenger 1er, confronté à l’imminence de sa fin. Tentative d’apprivoisement de la mort par Ionesco, la pièce est aussi tentative d’enseignement: il faut vivre avec la conscience de la mort, pour se préparer à cette échéance, et pour goûter pleinement la vie.

Mais il est facile de rejeter la perspective de sa propre mort dans un futur abstrait, tel ce Roi qui d’abord se rebiffe. Incrédulité, colère, terreur; fragilité, tristesse, renoncement: le Roi traverse tous les stades vers l’acceptation de la mort, et nous avec lui. Jean-Sébastien Ouellette habite avec sensibilité et nuances tous ces états, du raidissement à l’abandon, son Bérenger devenant peu à peu absent à ses proches qui, un à un, lui font un bout de conduite sur son dernier chemin.

De cette suite de scènes émane une forte charge émotive et, finalement, beaucoup de douceur et de calme. Parmi ces scènes, deux des grands moments de la pièce: avec sa bonne Juliette, touchante Denise Verville, le Roi recense avec émerveillement les petits riens qui font la vie; il revit aussi des souvenirs, ceux de sa vie et de l’humanité entière, accompagné de son garde, aimant et ébloui par son Roi, joué avec tendresse par un Roland Lepage bouleversant.

Chagrin déchirant de la Reine Marie, détermination de la Reine Marguerite, rationalité du médecin: chacun incarne une attitude différente devant la mort. Au-delà de la caricature que pourraient représenter les personnages, la direction de Gill Champagne et le jeu des acteurs leur confère intériorité et sincérité. Et malgré la douleur, c’est un sentiment d’apaisement, de sérénité qui domine une fois le Roi seul, aux portes de la mort.

Décor et éclairages (Denis Guérette) comme images de l’avancée de la mort, texte magnifique, mise en scène dépouillée, comédiens recueillis font de cette production une expérience forte et profonde, qui atteint le coeur et l’esprit.