L'Impromptu de l'Alma : La critique de la critique
Scène

L’Impromptu de l’Alma : La critique de la critique

Quel dramaturge n’a pas dû rêver un jour de se servir de son talent d’auteur pour répondre à ses détracteurs? Molière est passé à l’acte avec L’Impromptu de Versailles, oeuvre dont s’est inspiré Ionesco pour L’Impromptu de l’Alma, un manifeste satirique, où en 1956 il réglait ses comptes avec les brechtiens, et plus particulièrement avec trois critiques, incluant Roland Barthes. L’auteur de La Cantatrice chauve montre dans cette pièce présentée au Théâtre Prospero que l’art doit s’affranchir des dogmes dans lesquels certains tentent de l’emprisonner.

Quel dramaturge n’a pas dû rêver un jour de se servir de son talent d’auteur pour répondre à ses détracteurs? Molière est passé à l’acte avec L’Impromptu de Versailles, oeuvre dont s’est inspiré Ionesco pour L’Impromptu de l’Alma, un manifeste satirique, où en 1956 il réglait ses comptes avec les brechtiens, et plus particulièrement avec trois critiques, incluant Roland Barthes. L’auteur de La Cantatrice chauve montre dans cette pièce présentée au Théâtre Prospero que l’art doit s’affranchir des dogmes dans lesquels certains tentent de l’emprisonner.

La critique de la critique prend la forme d’un cauchemar absurde. Alors qu’il écrit une pièce, Le Caméléon du berger, Ionesco en personne est envahi par l’intrusion de trois "docteurs" en théâtre, Bartholoméus 1, 2 et 3: deux pédants et un sot. Forts de leur science en "spectatologie" et en "costumologie", ces précieux ridicules – les personnages évoquent des types moliéresques – prétendent faire la leçon à ce dramaturge qui n’entend décidément rien au théâtre, et qu’ils contraindront à jouer selon les préceptes de la distanciation chère à Brecht: "Ne vous identifiez pas à vous-mêmes", suggèrent-ils…

Qualifiée de "mauvaise plaisanterie" par l’auteur, L’Impromptu de l’Alma raille gentiment les théories vaseuses et le verbiage insensé de théoriciens qui prétendent réduire le théâtre à une fonction pédagogique. C’est une farce savante et un peu grosse, où Ionesco s’amuse à se mettre lui-même en scène en être bonhomme et malléable. Onil Melançon l’incarne avec une mollesse et une naïveté plutôt désarçonnantes. François Trudel, Patrice Savard et André Doucet campent plutôt bien le sérieux risible des Bartholoméus, surtout les deux premiers. Maria Monakhova, elle, surprend par son exubérance débridée. La metteure en scène Elizabeth Albahaca, qui semble avoir choisi des acteurs rompus au jeu physique, en fait beaucoup dans le registre caricatural.

Malgré sa verve comique et son habile clin d’oeil final, cette pièce qui rend compte d’une polémique inscrite dans la petite histoire du théâtre français demeure d’un intérêt pointu et assez limité. On est loin des oeuvres plus universelles comme Les Chaises ou Le roi se meurt.

En France, royaume de la polarisation idéologique et des disputes de chapelles, la parodie de la "bêtise de l’intellectualisme" a peut-être sa raison d’être. Mais ici, où les intellectuels investissent peu l’espace public et sont déjà suspects, la présentation de L’Impromptu de l’Alma équivaut un peu à donner un coup d’épée dans l’eau.

Mais ça, ce n’est jamais qu’une critique qui le dit…

Jusqu’au 22 février
Au Théâtre Prospero