Projet Porte Parole : Au-delà du réel
Nos bulletins de nouvelles le prouvent presque quotidiennement: au Québec, la question de la santé est devenue une mauvaise tragi-comédie. Un long feuilleton hésitant entre le mélo et la farce burlesque. Pas étonnant, donc, que le Projet Porte Parole (PPP) en ait fait de la chair à pièces.
Nos bulletins de nouvelles le prouvent presque quotidiennement: au Québec, la question de la santé est devenue une mauvaise tragi-comédie. Un long feuilleton hésitant entre le mélo et la farce burlesque. Pas étonnant, donc, que le Projet Porte Parole (PPP) en ait fait de la chair à pièces.
Fondée en 1998, cette compagnie de théâtre documentaire n’a pas tardé à se faire remarquer, avec Novembre, portant sur les élections de 98, et 2000 Questions, sur l’univers boursier. Cette fois, avec Santé!, le PPP s’est lancé dans une série de sept courtes pièces, suivies d’un débat, autour de ce grand malade qu’est notre système de soins. Leur but? Provoquer un dialogue, et stimuler la participation du spectateur.
Voyant que le sujet serait chaud pendant l’année à venir (il le fut au-delà de ses prévisions!), Annabel Soutar a décidé de disséquer le système de santé en… juillet dernier, alors que la série de spectacles a débuté fin novembre. "C’est un processus rock’n’roll, très rapide, admet la codirectrice artistique et cofondatrice (avec Alex Ivanovici) du PPP. Ça ne donne pas un texte très poli, mais plutôt une sorte de sketch, qu’on met sur scène très rapidement pour refléter l’actualité. C’est différent de nos autres pièces, sur lesquelles j’avais travaillé pendant un an et demi."
Le show du mois dernier, Médecins et fonctionnaires, examinait le dialogue de sourds entre ces "deux solitudes". Un sujet un peu aride pour qui ne connaît pas les dédales du système, mais servi avec une bonne injection d’humour et des personnages bien campés, dont l’un s’appelait David Levine. Parmi le public, on reconnaissait… David Levine lui-même, qui participait au débat subséquent! Et qui pouvait s’entendre mot à mot sur scène, car le texte retranscrit par Annabel Soutar respecte le verbatim et même la langue (d’où le bilinguisme des shows) des entrevues qu’elle a conduites.
Un processus parfois périlleux: un médecin se trouvant dans la salle a été troublée de se reconnaître trop bien dans un personnage. Pour d’autres, par contre, ça peut être très révélateur. "Comme nous sommes la seule compagnie de théâtre documentaire à Montréal, il y a encore plusieurs personnes qui ne comprennent pas ce qu’on fait. Même si j’explique très clairement aux interviewés que je vais utiliser leurs mots, certains pensent que je vais faire une transposition."
Où est le théâtre, alors, dans cette approche qui emprunte au journalisme? Dans cette façon de rassembler des gens pour examiner le monde contemporain, selon la diplômée de Princeton en théâtre documentaire. "Et il y a des histoires, des fils conducteurs dans les pièces. J’essaie de chercher quelque chose de dramatique dans chaque personnage. Je vois les gens que je rencontre comme des personnages. Je n’ai pas beaucoup de détails de leur vie dans une entrevue de deux heures, mais la façon dont ils parlent, ce qu’ils portent, tout ça me révèle quelque chose. Au théâtre, c’est ce qui n’est pas dit qui est intéressant, pas ce qui est dit."
De plus, l’"auteure" n’utilise qu’environ 5 % du matériel récolté. "Ce n’est pas totalement objectif, ce qu’on fait. Il y a un travail subjectif, artistique, où on encadre ce qu’on voit." Dans Médecins et fonctionnaires, Soutar a même mis en scène ses propres tribulations absurdes dans les méandres de la bureaucratie, ballottée d’un département à l’autre par des employés débordés. "C’était l’enfer!" Une éloquente et savoureuse illustration de la lourdeur du système.
Le diagnostic que le "docteur" Soutar pose sur notre système de santé, après examen? Un système géré de façon trop centralisée, qui déresponsabilise les gens et les empêche de développer un sentiment d’appartenance à leur fonction. "Quand les individus perdent le contrôle sur ce qu’ils font, ils arrêtent de trouver des solutions." Résultat: tout le monde se renvoie la balle. Et le blâme.
La jeune femme est consciente que ce projet ne changera pas le monde. Mais la série favorise le contact entre les professionnels du milieu médical. Et "ça leur donne de l’espoir que quelqu’un les écoute".
La semaine prochaine, Santé! portera sur Économie et services de soins de santé, puis viendront: Prévention ou traitement? (26 mars), Les Hôpitaux (23 avril), Les Infirmièr(e)s (21 mai) et, le dernier mais non le moindre, Le Patient (18 juin). La compagnie de Soutar et Ivanovici s’ouvre à d’autres artistes, qui signeront les prochains textes et mises en scène.
Et ensuite? Annabel Soutar pense tourner ses yeux vers l’avenir. Peut-être le clonage, abordé par le biais de cette "histoire québécoise" des Raëliens. "Pour moi, il y a un parallèle intéressant entre le clonage et le théâtre documentaire, qui est comme un miroir: on fait une réplique de la réalité sur scène…"
Les 26 et 27 février
Au Théâtre J. Armand Bombardier du Musée McCord