Critique: Amelia
Scène

Critique: Amelia

Les pièces de Lock commencent souvent par nous choquer, nous agacer, mais elles finissent toujours par nous gagner. Ainsi, lorsque vers la fin d’Amelia, Billy Smith entre en scène chaussé de pointes et accompagné d’une Zofia Tujaka aussi grande que lui, on se dit: "Pourquoi pas, après tout?" En fait, l’idée d’un homme en chaussures de ballerine n’est pas plus bizarre que le mélange des pointes roses et du complet noir qu’ils portent tous les deux.

Le 19 février
Au Grand Théâtre

Les pièces de Lock commencent souvent par nous choquer, nous agacer, mais elles finissent toujours par nous gagner. Ainsi, lorsque vers la fin d’Amelia, Billy Smith entre en scène chaussé de pointes et accompagné d’une Zofia Tujaka aussi grande que lui, on se dit: "Pourquoi pas, après tout?" En fait, l’idée d’un homme en chaussures de ballerine n’est pas plus bizarre que le mélange des pointes roses et du complet noir qu’ils portent tous les deux.

Pour mieux nous atteindre, le chorégraphe montréalais s’amuse encore et toujours à marier le familier et l’inusité. Dans Amelia, pointe ne rime pas avec ballerine. Les danseuses utilisent les bases de la danse classique pour le travail des jambes, mais avec d’inhabituels mouvements de bras et une énergie saccadée. Autre exemple insolite: une fille, à la suite d’un passage très technique, se met à courir les pattes aux fesses avant de se planter là, crâneuse, les poings sur les hanches.

Les duos homme-femme sont tous très forts et possèdent chacun leur caractère propre. Entre confrontation et complicité, les couples de La La La continuent d’afficher leur ambivalence.

Si les danseuses sont époustouflantes, les hommes jouent beaucoup les faire-valoir dans Amelia. Le mec est souvent relégué dans l’ombre, littéralement, retenant sa partenaire par la taille tandis qu’elle s’élance sur place telle un papillon de nuit. Les gars ont toutefois droit à un beau passage vers la fin, où, en rupture avec ce qui a précédé, ils déploient de vastes mouvements sur une musique rythmée.

De temps en temps, des danseuses virtuelles viennent bouger tout doucement sur un écran amovible, ce qui permet au public et aux danseurs de souffler un peu. Sinon, on croule sous l’abondance de mouvements si bien qu’on a constamment l’impression d’être en train de manquer quelque chose.

Mais en dehors de la danse, c’est la sobriété. Les costumes de Vandal se déclinent tous en noir. Efficaces, les éclairages blancs de John Munro se contentent de jouer à cache-cache avec les danseurs et de découper à merveille les muscles des cuisses des filles. La musique de David Lang est cependant un peu trop tranquille.

Le plus étonnant, c’est qu’en dépit de la froide lumière blanche qui baigne la scène, l’univers d’Amelia finit par nous happer, par nous paraître chaleureux et accueillant. Et on n’a plus envie de le quitter.