Unity, mil neuf cent dix-huit : Fraîcheur contagieuse
Scène

Unity, mil neuf cent dix-huit : Fraîcheur contagieuse

Il y a dans Unity, mil neuf cent dix-huit une naïveté de ton qui semble appartenir à un monde révolu. Ce regard, c’est celui empreint d’espoir de Beatrice, 21 ans, qui chronique dans son journal intime la vie d’une petite communauté saskatoise en 1918. La jeune femme fait pourtant son apprentissage de la vie – et de la mort – à une époque sombre et tragique, où une guerre allait se terminer alors même qu’une autre, encore plus dévastatrice, commençait: le dur combat contre la grippe espagnole.

Il y a dans Unity, mil neuf cent dix-huit une naïveté de ton qui semble appartenir à un monde révolu. Ce regard, c’est celui empreint d’espoir de Beatrice, 21 ans, qui chronique dans son journal intime la vie d’une petite communauté saskatoise en 1918. La jeune femme fait pourtant son apprentissage de la vie – et de la mort – à une époque sombre et tragique, où une guerre allait se terminer alors même qu’une autre, encore plus dévastatrice, commençait: le dur combat contre la grippe espagnole.

Cet "ennemi invisible" s’insinue bientôt dans cette paisible communauté éloignée des grands remous du monde. Et avec lui, se profilent des compagnons que nous connaissons bien aujourd’hui: délires apocalyptiques, peur, méfiance, rejet de l’étranger. À l’heure où l’on s’arrache les masques à gaz au sud de nos frontières, disons que la vue de ces individus masqués éveille d’étranges échos…

Mais c’est la vie qui tient le haut du pavé dans Unity – très efficacement traduite par Paul Lefebvre. Les espoirs amoureux qu’entretiennent trois jeunes femmes, dont deux attendent impatiemment des nouvelles de soldats partis au front. Les soins qu’elles apportent à ceux qui les entourent, les vivants pour la courageuse Beatrice, les morts pour l’étrange Sunna, l’employée des pompes funèbres.

La pièce du Canadien Kevin Kerr rend hommage par la bande à la force et à la capacité de résistance des femmes, lesquelles, restées au pays durant le premier conflit mondial, mèneront la guerre à l’influenza. Son texte fait habilement vivre tout un village, notamment à travers le centre névralgique de la communauté: le poste où deux femmes (Josée Guindon et Érika Gagnon) gèrent le téléphone et le télégraphe, prenant ainsi le pouls de la rumeur sociale – un peu comme un choeur le ferait.

Ce texte un peu lâche et inégal, mais pourvu de belles scènes, est porté par le charme d’une narration au ton vif, juvénile. Il ne s’agit pas d’une oeuvre de la profondeur de La Peste, mais d’une gentille chronique, attachante, vivante, et qui nous fait la politesse d’un libérateur humour macabre, alors que nous sommes plongés dans une période noire de l’Histoire.

Présent à l’Espace Go le soir de la première, le jeune auteur de Vancouver était tout sourires. Pour cause: Claude Poissant a fait un excellent travail, servi par la musique d’Yves Morin et par un environnement dépouillé – si on excepte les cercueils… Il faut surtout souligner le flair dont a fait preuve le metteur en scène dans le choix de la distribution – et dans sa direction d’acteurs. La prestation irrésistiblement fraîche de Jennie-Anne Walker en narratrice candide donne le ton au spectacle. Cette comédienne (injustement) méconnue campe les naïves ingénues avec une authenticité et un timing comique remarquables. Sa candeur tranche nettement sur le contexte tragique de la pièce.

Sophie Cadieux la complète avec une belle vivacité, dans le rôle de la petite soeur effrontée et dégourdie. En soldat aveugle mais stoïque, Steve Laplante parvient à toucher en évitant le pathos. Gary Boudreault est juste comme toujours. Évelyne Rompré donne corps à la bizarrerie de Sunna, l’ange de la mort – un personnage moins bien défini, cependant.

Avec cet univers simple et relativement traditionnel, on est loin des fascinantes ramifications du Ventriloque, la précédente production du PàP. Mais Unity brosse un beau tableau d’ensemble.

Jusqu’au 22 mars
À l’Espace Go