Le Révizor : Roulette Russe
Dans tout le répertoire, il n’y a guère qu’une pièce que rêvait de jouer Daniel Parent: Le Révizor. Ce comédien, surtout habitué aux créations, en avait vu une unique scène, un extrait filmé de la mise en scène de Meyerhold, alors qu’il était encore étudiant à l’Option-théâtre du Collège Lionel-Groulx. "Je veux faire ça", a-t-il songé en voyant les gestes assurés de l’acteur qui incarnait le rôle-titre.
Dans tout le répertoire, il n’y a guère qu’une pièce que rêvait de jouer Daniel Parent: Le Révizor. Ce comédien, surtout habitué aux créations, en avait vu une unique scène, un extrait filmé de la mise en scène de Meyerhold, alors qu’il était encore étudiant à l’Option-théâtre du Collège Lionel-Groulx. "Je veux faire ça", a-t-il songé en voyant les gestes assurés de l’acteur qui incarnait le rôle-titre.
Ce sera chose faite dès la semaine prochaine, alors que Daniel Parent, Gilles Renaud, Danièle Panneton, Roger Léger et 11 autres comédiens interpréteront Le Révizor au Théâtre Denise-Pelletier. Le metteur en scène Reynald Robinson a oeuvré avec le traducteur André Markowicz – célèbre notamment pour son travail novateur sur Dostoïevski -, afin de clarifier pour le public adolescent cette satire du grand écrivain russe Gogol, créée en 1836 dans la controverse.
Daniel Parent y campe un petit fonctionnaire médiocre, qui vit sur un grand pied. "C’est un dandy. Le genre qui va dans les vernissages sans être invité." À court d’argent, ce parasite social s’installe dans une petite ville de province, dont les fonctionnaires très corrompus ont justement eu vent de l’arrivée incognito d’un révizor, un inspecteur général venu de Saint-Pétersbourg. Objet d’une méprise, le naïf imposteur est bientôt arrosé de faveurs…
Le Révizor satirise donc une tentation universellement humaine: la corruption. Les récents scandales politiques ont prouvé que le Canada n’était pas à l’abri… Au pays de Poutine, si les régimes ont changé depuis l’époque tsariste de Gogol, la magouille est restée. Et elle se pratique ouvertement, a constaté Daniel Parent, qui est tombé amoureux de ce "pays très complexe" lors d’un séjour en Russie.
Parti y faire un stage de biomécanique théâtrale, ce singulier comédien "découvert" dans Les Trois Derniers Jours de Fernando Pesso d’UBU (il disparaissait derrière le visage et la voix de Paul Savoie!) a eu l’impression de trouver sa voie. "Pour la première fois, je ne me sentais pas ailleurs. Je rencontrais quelque chose qui rejoignait ma pensée sur le théâtre, qui me ressemblait", raconte le volubile artiste, son casque de fourrure vissé sur la tête tel un vrai Russe.
Cette technique développée par Meyerhold influence le jeu très physique de l’acteur, aussi danseur, qui aime "chorégraphier l’espace théâtral". "Ça me permet de ne pas jouer de façon réaliste. Moi ça ne m’intéresse pas, je ne suis pas capable de jouer réaliste. C’est comme si je déformais la réalité."
"On me demande souvent pour les bébittes, quand on ne sait pas trop quoi faire avec un rôle… Dans Des fraises en janvier, c’était la première fois où je devais jouer un personnage qui disait: "Est-ce que tu prendrais un café?" Il fallait que j’aie l’air normal. (rires) Finalement, on a trouvé un angle un peu comédie musicale, qui m’a sauvé…"
Depuis Les oranges sont vertes, les univers théâtraux originaux, les rôles auxquels il prête presque malgré lui une dimension ludique ("Je suis le genre d’acteur chez qui le drame passe mieux dans le rire") n’ont pas fait défaut à l’interprète des Sept Jours de Simon Labrosse. Parent maintient un rythme assez essoufflant, enfilant cette saison Au bout du fil, un spectacle de danse et la reprise du Ventriloque en mai.
Le plus classique Révizor semble jurer dans la théâtrographie de Daniel Parent. Mais la proposition de Reynald Robinson et des concepteurs n’est pas réaliste. "J’ai l’impression de jouer dans un spectacle audacieux, confie le comédien. Ça, ça me plaît. Pour moi, le théâtre doit être dangereux, sinon ça ne vaut pas la peine. C’est épeurant, faire du théâtre: quand tu plonges, tu te dévoiles. Avec cette pièce, j’ai l’impression d’aller au maximum physiquement. Je ne me cache pas derrière des artifices, je ne me retiens pas; c’est un feeling incroyable. Mais c’est accompagné d’une grande angoisse…"
Très loin du fonctionnaire profiteur qu’il campe, Daniel Parent s’engage entièrement dans ses spectacles. Il veut pouvoir assumer tout le show, pas seulement sa partie à lui. Au point qu’il a claqué la porte du désolant Babel à une semaine de la première, l’automne dernier.
Le comédien estime qu’il faut défendre ses idées. "Moi, je ne suis pas un figurant dans ce métier-là! Je veux être actif, participer aux décisions. L’art, ce n’est pas poli. Ce n’est pas obéir. C’est correct d’avoir des frictions avec le metteur en scène. Je trouve ça important, même. Les acteurs ne sont pas des yes men, mais je trouve qu’on agit souvent ainsi…"y
Du 14 mars au 5 avril
Au Théâtre Denise-Pelletier