2025, l’année du serpent : Buffet chinois
Le dépaysement est garanti quand on pénètre dans l’univers de Philippe Ducros. Comme Le 4e round avant elle, sa pièce 2025, l’année du serpent nous promène très loin des angoisses du Plateau Mont-Royal. Mû par de beaux idéaux, le jeune auteur et metteur en scène aborde de grandes questions sociopolitiques dans ce voyage en Orient et dans le futur. On ne demande pas mieux que de s’ouvrir sur le monde. Mais le parfum d’exotisme ne suffit pas…
Le dépaysement est garanti quand on pénètre dans l’univers de Philippe Ducros. Comme Le 4e round avant elle, sa pièce 2025, l’année du serpent nous promène très loin des angoisses du Plateau Mont-Royal. Mû par de beaux idéaux, le jeune auteur et metteur en scène aborde de grandes questions sociopolitiques dans ce voyage en Orient et dans le futur. On ne demande pas mieux que de s’ouvrir sur le monde. Mais le parfum d’exotisme ne suffit pas…
La nouvelle création de Philippe Ducros nous transporte dans la Chine de 2025, déchirée par une guerre civile. Fils d’une musulmane bosniaque et d’un Serbe (Jean-Marie Moncelet) qui en a massacré plusieurs à Srebrenica, alors que "la Terre entière regardait", John Smith (Danny Gilmore) a le douteux privilège d’être le six milliardième homme sur Terre. Avec son collègue photographe (Alex Ivanovici), il trimballe dans des zones dangereuses un album photos qui répertorie les effets personnels des victimes de conflits. Leur route croisera notamment celles d’un enfant victime de la guerre et d’un sniper (Christian-Michel Grenier) qui a été torturé dans un camp de rééducation.
Avec ses nombreux personnages incarnés par neuf comédiens, sa multiplication des lieux et son éparpillement de l’action, la production du Théâtre du Grand Jour joue sur une forme cinématographique. Techniquement efficace, le spectacle mis en scène par Ducros déploie des projections sur l’écran encastré dans un ingénieux élément scénographique mobile qui rappelle la forme d’une lentille de caméra. Car 2025 porte d’abord sur l’image: celle que relaient les médias occidentaux des guerres qui se déroulent si loin de nous, mais qui sont parfois si proches de nos intérêts. Cet étalage d’images meurtrières relève-t-il de l’exploitation sensationnaliste?
Mais Philippe Ducros ne s’arrête pas là. Le texte, qui aurait pu subir des coupes, dénonce même en passant la façon dont l’imagerie médiatique véhicule des critères de beauté juvéniles et anorexiques, via le personnage du photographe, obnubilé par sa quête de la femme idéale!
Si l’intrigue est assez compliquée, les messages qu’elle contient ("Media is war, TV is opium") s’avèrent plutôt simplistes – et pas toujours adroitement intégrés dans le récit fictif. La mise en accusation des médias, si elle n’est certes pas sans fondement, n’apporte rien de bien neuf…
La réflexion suscitée par 2025, l’année du serpent semble donc se cantonner en surface, tandis que le récit, lui, souffre de longueurs imposées par les intentions transparentes de la pièce. Au milieu de quelques figures plus prenantes, ici et là (dont Denis Lavalou en terrible milicien), les personnages semblent généralement prisonniers de schémas, comme cette jeune vétérinaire campée par Marie-Christine Lê-Huu, dont l’infertilité introduit le thème de la surpopulation et de la stérilisation forcée dans ce monde futuriste. Le texte du jeune lauréat de la Prime à la création Gratien-Gélinas a bien des velléités poétiques, mais ses images singulières ne sont pas toujours heureuses.
Les thèmes que choisit d’aborder Philippe Ducros sont importants. Saluons l’audace dont il fait preuve en s’attaquant à de grandes questions actuelles, que peu de nos auteurs couvrent au théâtre. Il reste au jeune artiste à acquérir une plus grande maîtrise artistique, pour mieux nourrir ses bonnes intentions.
Jusqu’au 8 avril
En tournée dans le réseau des maisons de la culture