Le théâtre au FIFA : Scènes choisies
Dans une rizière aux longs brins verdoyants à perte de vue, se dresse un adolescent, walkman dans les mains, perdu dans sa musique: voilà une image récurrente d’All About Lily Chou-Chou, de Shunji Iwai (Swallowtail Butterfly), une longuette étude de moeurs sur les ados japonais en détresse intérieure, se libérant de la réalité par le biais de la musique et d’Internet. Bref, le thème universel de la fuite devant l’aliénation.
Parmi les 250 oeuvres présentées au Festival International du Film sur l’Art (FIFA), sept productions consacrées à des figures, institutions et expériences théâtrales marquantes ont retenu notre attention. Excursions en coulisses et incursions dans les têtes de créateurs inspirés.
Au nombre des invités de marque du FIFA, mentionnons l’éminent "docteur" Stéphane Crête, qui s’est penché sur les effets de la douleur, de l’hypnose, des drogues et de l’excitation sexuelle sur le jeu des acteurs. Les fidèles de Momentum seront heureux de revoir dans Les Laboratoires Crête les moments forts des hilarantes conférences-spectacles tenues durant l’an 01 du calendrier momentumien, et de découvrir les 30 comédiens-cobayes en répétition. La projection du documentaire de Vali Fugulin et Sonia Vigneault, le 16 mars, sera suivie d’une conférence dévoilant en primeur les conclusions de l’étude Crête. Les réalisatrices participeront à une table ronde sur le théâtre filmé, le 20 mars.
Il y a deux ans, le Théâtre de l’Opsis présentait Trois soeurs, une curieuse adaptation à quatre mains de la pièce de Tchekhov. Tandis que Luce Pelletier a mis en scène les frangines russes telles qu’on les connaît, Denis Bernard les a imaginées 30 ans plus tard, pour créer un spectacle-miroir où le malheur d’une génération reflète celui de l’autre. Le réalisateur Benoit Pilon a été le seul à voyager d’une équipe à l’autre, jusqu’à ce qu’elles se retrouvent, quatre semaines avant les représentations. C’est alors le choc pour les 17 interprètes, particulièrement Marie-France Marcotte, qui tente en vain de saisir "la petite musique" de son personnage. Peu importe que les metteurs en scène aient eu peine à fondre en un tout cohérent ces deux univers, leur travail pour y parvenir est fascinant. 3 soeurs en 2 temps prendra l’affiche du Cinéma Parallèle, à Ex-Centris, le 21 mars.
Robert Lepage livre quelques clés de son mystère dans Robert Lepage: Tuned to a Different Frequency, tourné en numérique par Martin Fournier et quatre autres réalisateurs. La caméra a suivi le scénographe, auteur de théâtre, cinéaste et acteur pendant deux ans, du tournage de Possible Worlds à son lancement à Venise et à Toronto. On le voit se prêter au jeu médiatique, tout en cherchant à ne pas se laisser vider de son essence, comme il le dit. "Je suis un anti-héros, une anti-star", confie cet infatigable travailleur, après avoir décroché quelques flèches aux journalistes paresseux qu’il compare à des "chalumeaux qui ne s’allument pas"…
Dans Beyrouth, Littoral d’Agnès Ravez et Philippe Rouy, on assiste à "la mise à mort" du spectacle-fleuve Littoral de Wajdi Mouawad dans le pays d’origine de l’auteur-comédien-metteur en scène. Aux extraits du spectacle et préparatifs de la troupe s’ajoutent des entrevues avec des Libanais qui ont grandi durant la guerre civile. "Ils ont tout compris", dira une jeune femme, remuée par cette pièce sur la guerre et la mémoire.
À voir aussi, Un théâtre dans la cité: le TNM, de Jean-Claude Labrecque et Yves Desgagnés, une production réalisée à l’occasion des 50 ans du Théâtre du Nouveau Monde, avec entre autres invités Jean-Louis Roux, unique survivant de l’équipe fondatrice, et le toujours pertinent André Brassard, qui se souvient du moment où l’abonné a cédé son siège au consommateur; ainsi que The Soul in Light, un portrait de l’actrice-culte Eleonora Duse (1858-1924) signé Nino Bizzarri, et John Osborne: Angry Man, de James Kent, inspiré des mémoires de l’auteur londonien. Renseignements: www.artfifa.com, ou 874-1637.
Jusqu’au 23 mars