Les Gagnants : Critique
Scène

Les Gagnants : Critique

Ils sont jeunes, déterminés, soignés, pleins d’assurance; engoncés, pourtant, dans l’image qu’ils se contraignent à projeter. Ce sont "les gagnants" de la pièce de François Archambault, mise en scène par Véronika Makdissi-Warren.

Jusqu’au 22 mars
Au Théâtre Périscope

Ils sont jeunes, déterminés, soignés, pleins d’assurance; engoncés, pourtant, dans l’image qu’ils se contraignent à projeter. Ce sont "les gagnants" de la pièce de François Archambault, mise en scène par Véronika Makdissi-Warren.

Parmi eux, un marginal: Sébastien (Stéphan Allard, excellent) n’a pas d’emploi, pas de blonde, aucune confiance en lui, se soucie peu de son apparence. Bref, il ne remplit aucune des conditions permettant de devenir "quelqu’un" aux yeux de ses amis. Dans ce monde de performance, il trouve difficilement sa place: un emploi, d’abord, afin de payer loyer et nourriture; l’affirmation, ensuite, de ses valeurs, différentes de celles de son entourage. En pleine remise en question, Sébastien doute de tout et de lui-même, subissant, de plus, la pression constante des apparences.

Portrait assez sombre d’une tranche de la société, Les Gagnants fait défiler sous nos yeux des visages et des situations qu’on reconnaît facilement. Sous le masque, les personnages se révèlent pleins de contradictions. S’opposent en eux ce à quoi ils aspirent profondément et ce à quoi ils s’obligent pour cadrer avec l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, de la réussite ou du bonheur. Jusqu’à faire des choix décisifs, parfois déchirants.

Les comédiens sont tous très solides, et convaincus. Pourtant, malgré la qualité de l’interprétation, une certaine unité de ton fait défaut. Quelques-uns des personnages, on le regrette, sont trop schématiques, et le texte ne montre jamais – ou si peu – le vrai drame de chacun. Avec quelques ajouts, la pièce, semble-t-il, gagnerait en profondeur et en intérêt, aspects qui se développent justement lorsque commencent à surgir les failles de certains. Dessin trop rapide de ces personnages dans le texte, ou jeu par moments trop typé, malgré le désir avoué, dans la direction d’acteurs, d’éviter la caricature? Difficile à dire.

Le résultat est un spectacle un peu inégal, au rythme parfois alourdi par de nombreux changements de décor. Il séduit, toutefois, par la pertinence du propos, l’énergie des comédiens et la création, réussie, d’une atmosphère très froide, par les éclairages clairs et le décor aux lignes simples, auxquels s’ajoutent les interventions ironiques d’un DJ-maître de cérémonie. Le tout révèle un malaise bien actuel, et pousse à jeter, autour de nous, un regard critique, et un peu consterné.