Marie Tudor : Critique
La reine est amoureuse; à travers elle, l’Angleterre est livrée aux caprices de son amant Fabiano Fabiani. Exaspérés, les lords veulent se débarrasser du favori, qui jouit de largesses matérielles et commande au bourreau. Fabiani, par intérêt, trompe la reine; elle l’apprend et n’a plus, dès lors, qu’une idée en tête: se venger.
Jusqu’au 29 mars
Au Grand Théâtre
La reine est amoureuse; à travers elle, l’Angleterre est livrée aux caprices de son amant Fabiano Fabiani. Exaspérés, les lords veulent se débarrasser du favori, qui jouit de largesses matérielles et commande au bourreau. Fabiani, par intérêt, trompe la reine; elle l’apprend et n’a plus, dès lors, qu’une idée en tête: se venger.
Ainsi s’ouvre la pièce Marie Tudor. À la puissance d’une reine répond la puissance du souffle poétique de Victor Hugo; il y a quelque chose, dans cette pièce, de la grandeur de la tragédie grecque. Tension, machinations, rebondissements: l’intrigue est solidement construite et menée, par Gill Champagne et son équipe de comédiens, avec énergie. Malgré un début un peu lent, au rythme hésitant dans quelques scènes difficiles où l’auteur livre, à travers ses personnages, nombre d’informations, et un certain ralentissement en deuxième partie, où dominent l’attente et l’expectative, le spectacle tient en haleine du début à la fin: éclat du verbe, structure implacable du texte, enjeux et personnages qui tout à la fois fascinent et terrifient; précision de la mise en scène et du jeu, captivants, qu’appuie efficacement une musique aux accents modernes (Yves Dubois).
Marie Tudor trouve en Lorraine Côté une interprète inspirée, habitée, semble-t-il, par un volcan: de colère, de jalousie, de souffrance. Tantôt enfiévrée, elle déverse sur tous, et d’abord sur l’amant qui l’a trahie, la lave de sa rage incandescente; tantôt vulnérable, elle s’abandonne à cet amour qui la laisse irrésolue et dévastée. Rugissant son courroux et sa douleur ou piétinant son orgueil blessé, Lorraine Côté impressionne également. À ses côtés, une distribution en général assurée, dont Jean-Sébastien Ouellette, en favori fier mais bientôt déchu, et Hugues Frenette, en Simon Renard brillant, animé par sa haine de Fabiano.
Le dispositif scénique (Jean Hazel), surtout fait de panneaux translucides que déplacent, au fil de l’action, les comédiens dont on devine la silhouette, dessine un monde de méfiance, aux manoeuvres obscures et aux faveurs aléatoires. Vaste et aéré, ou chargé et étouffant, le décor, dans ses mouvements, accompagne avec pertinence l’action et les sentiments. Au sol, des canaux où coule un liquide sur fond rouge: eaux de Londres, rigoles de sang, à une époque où se multiplient les exécutions. Peu d’accessoires, hormis quelques objets hautement symboliques: couronne et Bible, clefs, papiers – images de ce qui libère, ou enferme. Tout l’espace est livré au mouvement des passions et à ce qui, ultimement, triomphe.