Maxim Martin : Mise au poing
Scène

Maxim Martin : Mise au poing

Qui a peur de MAXIM MARTIN? Cinq ans après Tolérance zéro, l’humoriste à la réputation sulfureuse présente un second one man show, où il a raffiné son langage et précisé son discours. Un spectacle engagé, qui pourrait clarifier son image et témoigner de la nouvelle maturité du trentenaire…

Maxim Martin a toujours occupé une place un peu à part dans le petit monde consensuel de l’humour québécois. On l’a connu cru, baveux et agressif dans son punché premier one man show, Tolérance zéro. Cinq ans plus tard, la trentaine a un peu assagi l’homme, devenu papa entre-temps. Mais qu’on se rassure: l’humoriste a toujours son franc-parler…

Taxé de vulgarité par certains, Martin espère surtout que ce second spectacle solo – à l’affiche au Cabaret du Plateau dès le 18 mars – dissipera le malentendu. "Je pense que j’ai trouvé un équilibre, où ceux qui aiment déjà ce que je fais vont triper sur le raffinement que j’ai rajouté à mon discours; tandis que ceux qui ont de la difficulté avec mon humour, s’ils ont le courage de donner une chance au spectacle, vont vraiment être surpris. C’est un show qui reste provocateur, l’humour est aussi incisif. La différence dans le deuxième spectacle, c’est que là mes sacres sont placés…"

Le stand-up a surtout affiné la forme, afin de gommer tout ce qui pouvait détourner les gens de son propos. "J’ai vu le dernier show d’Yvon Deschamps une couple de fois. Il dit des affaires pires que les miennes, mais avec un sourire, une finesse, un tact extraordinaires. Et ça ne dilue pas le discours, au contraire. On a ben plus d’impact si on dit des choses graves avec un sourire et une espèce de légèreté, plutôt qu’en l’enfonçant dans la gorge des gens. C’est juste un défi d’écriture. Mon premier show était vraiment enragé, agressif. J’y ai été mon pire ennemi. Je minais peut-être mes textes en les diluant avec un sacrage facile."

Maxim Martin a pris son temps pour fignoler à son goût ce spectacle originellement prévu pour l’automne, mais qui ne le satisfaisait pas. "Je pense qu’on a la responsabilité d’amener nos fans ailleurs." Et ailleurs, dans ce cas-ci, c’est un show plus placé et théâtral que le précédent, soutenu par un jeune comédien-musicien et un metteur en scène, François Flamand, qui l’a vraiment aidé à "préciser son discours".

Et même si le décor représente un lit, l’humoriste n’y discute sexualité que juste assez longtemps pour expliquer… pourquoi il n’en parle plus. Il a fait le tour du sujet dans Tolérance zéro. Martin traîne une réputation de vulgarité depuis qu’il a nommé les choses par leur nom dans ce premier spectacle, et encore davantage depuis qu’il a montré un de ses bijoux de famille pendant un célèbre numéro d’un Gala Juste pour rire, afin de répondre à la polémique sur la vulgarité de l’humour. (Et il estime avoir prouvé son point, tout le monde ayant parlé de la couille, plutôt que des 10 minutes de contenu avant…)

"Il y a encore beaucoup de monde qui ont peur de mon humour. Mais en général, ceux qui m’accusent de vulgarité n’ont même pas vu ce que j’ai fait, plaide-t-il. Il y a des endroits au Québec où l’on ne veut pas que je retourne. Le spectacle récolte un standing ovation, mais on préfère écouter les quatre ou cinq personnes qui chialent contre ce que je fais plutôt que les 500 autres… Le prochain spectacle, je pense, va clarifier les choses. On va arrêter de dire que je suis vulgaire; mais que je suis provocateur, osé."

Engagez-vous, qu’il disait
D’autant qu’il livre là un "show d’opinions". "Le premier spectacle, c’était la fin de ma crise d’adolescence, mon fuck you à la société; là, c’est vraiment l’humoriste adulte qui arrive sur scène. Avec la trentaine, il faut passer à l’action sur ses prises de positions. On sent l’engagement, je pense, dans le spectacle." Maxim Martin s’y réclame d’ailleurs de deux inspirations: l’iconoclaste Michael Moore, dont il s’avoue un grand adepte, et l’essai No Logo de Naomi Klein, que sa blonde qui amorce un doctorat en sociologie lui a fait lire. Pas banal pour un show d’humour…

"La première partie du spectacle est plus personnelle: je parle de comment ma vie a changé. Mais la seconde est vraiment sociale, antimondialisation. Je tape sur tout ce qui ralentit l’évolution de la race humaine. Parfois, j’ai l’impression qu’on est incapable de se prendre en main. Je vois le spectacle comme un défoulement collectif. Mettons nos culottes!" martèle ce grand pessimiste qui dit que "ce sont les pessimistes qui vont changer le monde, pas les optimistes, qui voient le bon côté des choses".

Mais sans perdre de vue évidemment que sa mission première est de dilater la rate. "C’est un spectacle qui dénonce mais j’ai de la misère avec le mot "message", que j’associe à "moralisateur". Alors que Tolérance zéro était vraiment in your face, ne laissant presque pas de place aux gens pour se créer une opinion, là c’est plus une partie de ping-pong entre le public et moi."

Prendre ouvertement position n’est pas courant dans un milieu où on a généralement peur de s’aliéner une partie du public… Il suffit d’en faire la remarque à Maxim Martin pour susciter un coup de gueule prouvant qu’il n’a pas changé sur le fond. "On a oublié notre rôle d’humoriste. Celui de fou du roi. On joue safe. Faut brusquer personne, faut vendre des tickets. Exploite ta formule, assure-toi de faire des paiements sur ta Volvo et ta maison… Quel message envoie-t-on à la prochaine génération d’humoristes? Applique telle recette: ça marche."

Mais le stand-up n’a pas envie de décrier "sa gang". À chacun ses choix. Il a fait les siens – dont celui de ne pas tourner de publicités, afin de garder sa marge de manoeuvre critique -, ne les impose à personne, et a fini par en accepter les conséquences. "Je n’aurai jamais la carrière commerciale d’un Jean-Michel Anctil ou d’un Mario Jean. Et c’est sûr que dans un sens, je me la souhaiterais: quand tu écris un show, tu veux le jouer longtemps… J’ai passé une vingtaine très frustrée, regardant tout le monde faire plein d’argent. Mais à un moment donné, tu te rappelles que tu les as prises ces décisions-là, alors il faut les assumer." Quelque chose comme la maturité…

Du 18 au 22 et du 26 au 28 mars

Au Cabaret du Plateau