Ze Bouddha's Show : Mauvais Karma
Scène

Ze Bouddha’s Show : Mauvais Karma

Le concept de la carte blanche privilégié par le Quat’Sous cette année est une idée stimulante. Mais c’est aussi un coup de dé, qu’une direction artistique lance à ses risques et périls. Après la séduisante réussite d’Eric Jean et le joli spectacle d’Évelyne de la Chenelière, Ze Bouddha’s Show nous ramène brutalement sur terre, avec une parodie de l’au-delà aux accents cégépiens… On est loin du nirvana  espéré.

Le concept de la carte blanche privilégié par le Quat’Sous cette année est une idée stimulante. Mais c’est aussi un coup de dé, qu’une direction artistique lance à ses risques et périls. Après la séduisante réussite d’Eric Jean et le joli spectacle d’Évelyne de la Chenelière, Ze Bouddha’s Show nous ramène brutalement sur terre, avec une parodie de l’au-delà aux accents cégépiens… On est loin du nirvana espéré.

À priori, la prémisse de la création de Pascal Contamine – attribuée à un certain Etienne Thana… comme dans Thanatos, peut-être? – semblait amusante. Mais sur scène, Ze Bouddha’s Show s’en va rapidement en eau de boudin… La pièce s’ouvre sur une étrange entrée en matière, alors qu’un m.c. au bras démesuré (Patrick Drolet) nous présente "l’homme moderne d’Amérique". Le spécimen observé, Éphrème Damarique (Eloi Cousineau), est victime d’une crise de lucidité suite à sa rencontre avec un curieux conteur tribal (?). Conscient qu’il est désormais incapable d’avoir un "jugement critique sur la situation internationale" malgré la saturation d’informations, il va jusqu’à débrancher son omnipotente télé, geste impensable, et avale d’un seul coup les pilules qui lui garantissaient jusque-là une vie sans efforts.

Le suicidé se retrouve donc de l’autre bord, où il rencontre une étrange faune de décédés, et en tant que cent milliardième mort de l’Humanité, se voit offrir la chance de participer au Bouddha’s Show, un quiz animé par Bouddha lui-même (Igor Ovadis), qui lui promet le nirvana ("un hôtel cinq étoiles") s’il parvient à traverser certaines épreuves… ou sinon, la réincarnation dans l’horrible monde qu’il vient de quitter.

Les intentions derrière cette grosse critique de l’Amérique sont donc claires: dénonciation de l’omniprésence de la télé, de son voyeurisme, de l’abrutissement des masses abreuvées par les médias. Le niveau de la réflexion, hélas, ne dépasse pas les évidences. Rien de plus facile que de railler les quiz et reality shows à la sauce américaine qui polluent présentement les ondes (il y en a désormais pour tous les dé-goûts). Mais encore? Ça ne va pas plus loin.

S’y amuse-t-on, au moins? Pas souvent, malgré tous les moyens déployés pour faire vivre sur scène cet univers influencé par la bédé. Le texte disperse son délire dans une soupe baroque allant dans tous les sens: une scène évoquant le film White Nights, un concours de charade digne d’un sketch de RBO, un emprunt aux Grecs avec Jocaste et Laïos, des jeux de mots faciles, de nombreux personnages caricaturaux. Heureusement, il y a Igor Ovadis, dont la rondeur du jeu fait toujours mouche. Ses petites danses de Bouddha font à tout le moins sourire. Comme le numéro de Catherine de Sève, rigolote en pulpeuse actrice de telenovella.

Rire en face de la mort et du non-sens de l’existence, plusieurs auteurs l’ont déjà fait avec succès, à commencer par les dramaturges de l’absurde. C’est là un geste libérateur, pour peu qu’il atteigne une certaine couche de profondeur. Ce n’est malheureusement pas le cas de ce spectacle qui a la consistance d’un long – très long – sketch loufoque. Souhaitons à Pascal Contamine, alias Etienne Thana, une incarnation dramaturgique plus féconde pour sa prochaine création.

Jusqu’au 5 avril

Au Théâtre de Quat’Sous