Bureaux : Grande messe du rire
Scène

Bureaux : Grande messe du rire

Sacré Alexis Martin. Dans Bureaux, l’auteur-metteur en scène se penche sur la quête spirituelle de ses contemporains avec ce mélange d’érudition et de dérision, de réflexion philosophique et de ludisme théâtral, de thèmes graves et de refus de se prendre au sérieux qui caractérise une partie de son oeuvre. Le résultat est souvent aussi drôle que les enjeux sont sérieux: perte des repères, vide spirituel, confusion et désarroi moral d’une société qui a déserté les églises catholiques – aujourd’hui reconverties en condos! – qu’elle fréquentait massivement il y a 40 ans, laissant ses membres orphelins de guide et de sens.

Sacré Alexis Martin. Dans Bureaux, l’auteur-metteur en scène se penche sur la quête spirituelle de ses contemporains avec ce mélange d’érudition et de dérision, de réflexion philosophique et de ludisme théâtral, de thèmes graves et de refus de se prendre au sérieux qui caractérise une partie de son oeuvre. Le résultat est souvent aussi drôle que les enjeux sont sérieux: perte des repères, vide spirituel, confusion et désarroi moral d’une société qui a déserté les églises catholiques – aujourd’hui reconverties en condos! – qu’elle fréquentait massivement il y a 40 ans, laissant ses membres orphelins de guide et de sens.

Une réflexion récurrente chez l’auteur du Presbytère du nord, qui dissertait déjà sur la mort de Dieu dans Matroni et moi, son premier texte. Dans la nouvelle création du NTE, où s’agitent 19 personnages délicieusement incarnés, les brebis égarées trouvent leur vérité dans les voies les plus inattendues et les plus loufoques…

Dans ces différents Bureaux, que les comédiens trimballent allègrement sur une scène dépouillée, officient les grands prêtres, traditionnels (curé et rabbin) et modernes (médecin, psy, thérapeutes en tous genres), auprès de qui les personnages cherchent des réponses, ou un soulagement à leur souffrance.

Ce délirant suspense métaphysico-comique déroule trois trames principales qui finissent par se rejoindre. Un jeune prêtre (Stéphane Brulotte) prend possession de son nouveau bureau dans une paroisse montréalaise. Le malheureux est bientôt assailli par un couple de pervers "bataillens" – d’après Georges Bataille! -, secte où l’on satisfait sa soif de transcendance en se "frottant au sacré", c’est-à-dire à ses représentants sur Terre… Quant à la ménagère du curé (Guylaine Tremblay), elle a trouvé une raison de vivre auprès du concierge messianique – le "superentendant" – des Galeries d’Anjou! En parallèle, un jeune homme (Miro) fait une étonnante découverte à la clinique où est soigné son père (le thème de la relation au Père absent est récurrent). Une institution où aboutira également l’enquête d’un sergent-détective lancé sur les traces d’un rabbin disparu – ce qui permet à Alexis Martin d’orchestrer un petit choc des cultures…

L’un des plus jouissifs bonheurs de cette satire spirituelle est de voir une belle bande de comédiens se glisser avec un plaisir aussi manifeste que contagieux dans ces personnages pour le moins colorés. On n’oubliera pas de sitôt le maniaque sexuel au verbe précieux, ni le concierge-prophète mystique de François Papineau. Pas plus que l’hallucinante disciple ou la policière au langage haché de la merveilleuse Guylaine Tremblay, qui donne corps à quatre personnages. La distribution, où s’illustrent également Julie Le Breton et Jacques L’Heureux, excellent en monseigneur aux visées ténébreuses, se multiplie à loisir. Alexis Martin s’est lui-même réservé un petit rôle de thérapeute indien pas piqué des vers…

Bureaux met de l’avant un théâtre de la (bonne) parole, donc parfois assez verbeux, où tous les filons ne sont pas d’égale force. Mais un public réjoui y a droit à quelques morceaux d’anthologie, où se mêlent d’iconoclaste manière le sacré et le profane, dont une eucharistie aux beignes célébrée par des adorateurs de centre commercial! On ne saurait mieux dire notre société mercantile, où en lieu de religion commune, chacun magasine son gourou…

Jusqu’au 26 avril
À l’Espace libre