Claude Meunier : La vie après l’amour

Claude Meunier a toujours eu le don de nous surprendre. De tous ses talents – et Dieu sait qu’il en a! -, celui-là le sert énormément. Depuis 25 ans, il s’amuse à surprendre le Québec en entier: le public, la critique, les producteurs, les humoristes, les comédiens… et même ses proches.

Plus jeune, un de ses bons amis lui avait prédit une carrière en marge, au mieux un succès d’estime. "À ses yeux, mon humour était trop capoté pour le grand public, raconte Claude Meunier, en entrevue lundi dernier. Il me voyait comme un genre d’Andy Kaufmann québécois… Et j’étais d’accord avec lui. J’aimais l’idée d’être low-profile; je ne cherchais pas la popularité à tout prix."

Bien sûr, les choses se sont passées autrement. Broue, Les Voisins, Appelez-moi Stéphane, Ding et Dong et La Petite Vie font désormais partie du patrimoine comique québécois. Des millions de personnes connaissent bien les célèbres personnages de Meunier, tous plus absurdes les uns que les autres.

Ce printemps, Claude Meunier risque de surprendre à nouveau le public. Plus de 20 ans après la création des Voisins, il revient au théâtre avec Les Noces de tôle. Un sujet pas mal sérieux, voire dramatique: la séparation amoureuse. Cette comédie de moeurs va clore la 30e saison du Théâtre Jean-Duceppe avec force (à deux semaines de la première, on ajoute sans cesse des supplémentaires!). Denis Bouchard (son nouveau complice artistique depuis la reprise des Voisins à l’hiver 2001) signe la mise en scène et dirige un all-star cast avec Pierrette Robitaille dans le rôle principal.

Les Noces de tôle, c’est l’histoire d’une rupture. Un couple, incarné par Pierrette Robitaille et Martin Drainville, va éclater le jour de leur 25e anniversaire de mariage. Après les travers de la famille, l’auteur s’en prend donc à la source de cette cellule de "tu-seuls ensemble". "On est très loin de Broue ou de La Petite Vie, prévient l’auteur tragicomique. Je porte un regard très dur sur les relations de couple, et sur la cruauté entre les conjoints. En deux heures, la pièce fait le condensé d’une rupture qui s’étend, généralement, sur six mois. La fin est même très noire et très cruelle. Si je me fie aux réactions des comédiens, ça risque de susciter la controverse…"

Le fils de Pôpa a eu 50 ans autour d’un certain 11 septembre 2001. À l’instar des personnages principaux des Noces de tôle, son couple a aussi éclaté voilà quelques années. Depuis, Claude Meunier est amoureux d’une autre femme, plus jeune que lui. Il a reconstitué une deuxième famille en adoptant deux petites Vietnamiennes. Et il semble heureux de ses choix. Toutefois, il ne faut pas gratter longtemps pour dénicher un vieux fond de culpabilité dans son âme.

"Ma pièce n’est pas seulement autobiographique, nuance Meunier. Un homme marié de 50 ans qui laisse sa femme pour une autre de 30 ans, c’est un cliché de société. C’est sûr que je me pose des questions. J’interroge les valeurs des hommes de mon âge. Pourquoi un couple éclate? Qu’est-ce qui provoque ça? La peur de vieillir; l’usure de l’amour; la société de consommation qui nous demande d’exceller dans tous les domaines, de réussir quatre ou cinq vies en même temps?? Hélas, je n’ai pas de réponse. Seulement des questions."

De son propre aveu, l’écriture des Noces de tôle a été "très très pénible" et a nécessité plusieurs versions. Contrairement aux Voisins, il dépeint ici sa génération et non celle de ses parents. Le jeune révolté n’a plus personne à blâmer pour le vertige de sa conscience. Est-ce une pièce de maturité à l’intérieur d’une oeuvre délinquante? "Je me suis assagi, sûrement. La vie après La Petite Vie n’a pas été facile. J’étais désoeuvré. Je me suis retrouvé sans univers. Avant, tous les matins, je pensais soit à Réjean, soit à Thérèse, soit à Reynald… Or là, je n’avais plus rien en tête. Je tournais en rond.

"Pour moi, l’écriture est facile. Le plus difficile, c’est d’inventer des personnages. C’est grâce à Louis Saia, à la fin des années 70, que j’ai commencé à créer de bons personnages. Avant, je faisais tout à l’envers: j’écrivais les dialogues avant les personnages. Merci, Louis!"

La compagnie des acteurs
Si Claude Meunier est désormais le créateur de personnages colorés et inoubliables, c’est aussi grâce aux comédiens. De Serge Thériault à Michel Côté, de Marc Messier à Marc Labrèche, de Diane Lavallée à Sylvie Moreau, Meunier a travaillé avec les meilleurs acteurs du Québec. "Les comédiens m’inspirent beaucoup. Ils m’aident à trouver le rythme d’une scène. Sa musicalité. J’écris toujours à voix haute. J’entends les comédiens dans ma tête. J’ai beau être tout seul au fin fond de la campagne, je les entends comme s’ils étaient assis sur mon bureau."

De l’avis de plusieurs, les textes de Meunier sont exigeants pour les acteurs. Parce que la ligne entre le grotesque et la vérité est très mince dans son oeuvre. "Si les comédiens appuient trop une situation, ça devient une grosse farce, explique-t-il. Heureusement, avec Les Noces de tôle, je suis encore servi par des virtuoses (Pierrette Robitaille, Diane Lavallée, Marc Messier, Luc Guérin, Martin Drainville, Pascale Desrochers…). Si le spectacle ne marche pas, j’en prendrai toute la responsabilité!"

L’Absurde avec un grand A
Malgré le succès, il existe plusieurs malentendus à propos de Claude Meunier. Le premier est lié à la nature même de son humour. "J’ai déjà été voir une production semi-professionnelle des Voisins… À la demande du metteur en scène, j’avais autorisé de légères modifications dans le texte. Pour meubler les silences, celui-ci avait ajouté des répliques, et les personnages masculins se racontaient des blagues de cul! Tout le côté tragique de la pièce avait disparu. J’étais gêné…"

On lui reproche aussi de mépriser ses personnages: "Au contraire, je les aime beaucoup, se défend-il. Réjean a beau avoir tous les défauts du monde (profiteur, menteur, lâche, paresseux, infidèle, etc.), je l’adore!"

Les personnages de Meunier sont impuissants face à leur destin, et fermés sur eux comme des huîtres, sans compassion pour autrui. Mais, selon Meunier, ce ne sont pas des monstres. "Je trouve que les gens aiment souvent les autres pour de mauvaises raisons. Ils aiment un tel parce qu’il est beau, gentil ou qu’il a du succès. Ils confondent l’amour avec l’admiration. Aimer les failles d’un individu, c’est moins évident."

Finalement, un dernier malentendu concerne l’artiste absurde, celui qui semble toujours se réfugier dans le non-sens pour éviter de se prononcer sur les maux de ses contemporains. "C’est plutôt la société qui refuse de voir que la vie est absurde, rétorque Meunier. L’humour absurde s’attaque aux choses tragiques de la vie: la mort, la maladie, l’échec amoureux… Or, la société est obsédée par la santé, la jeunesse éternelle, l’Amour avec un grand A… Elle nous promet que si on travaille toute notre vie, on va nous récompenser à la retraite. Mais dans la réalité, on peut se retrouver mis à pied avec rien devant soi!"

Pour Claude Meunier, l’absurde a été un baume sur ses angoisses au cours de sa jeunesse. "Curieusement, depuis que je sais que la vie n’est pas une ligne droite, je la trouve plus belle. Savoir qu’un couple peut éclater du jour au lendemain, ça me permet de l’apprécier davantage. L’absurde, c’est une conscience primitive de la cassure de la vie. Et ce message-là, ce n’est pas très à la mode dans un monde qui fait tout pour nous faire croire que nous sommes invincibles."

Du 16 avril au 24 mai
Au Théâtre Jean-Duceppe

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Gagnez Meunier!

Courez la chance de gagner une paire de billets pour la représentation du 29 avril, à 20h, de la pièce Les Noces de tôle, de Claude Meunier, au Théâtre Jean-Duceppe, en répondant à la question suivante:
Pourquoi aimeriez-vous assister à ce spectacle?
à l’adresse Web: www.voir.ca/calendrier
Le tirage sera effectué le 23 avril et les gagnants seront contactés par courriel.

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